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OH! TIGER MOUNTAIN // Islande et Bob Marley


©Olivier Metzger


On présente souvent Oh! Tiger Mountain comme un « crooner marseillais ». Premièrement, oubliez Marseille : rien dans son look et sa musique ne rappelle les clichés de la cité phocéenne. Ensuite, il y a beaucoup de la voix de Bowie chez Tiger, ce genre d’inflexion qui nous touche, et Bowie n’a jamais été qualifié de crooner.

Oh! Tiger Moutain c’est Mathieu Poulain.

Il faudra un jour se poser la question de ces avatars. Et pourquoi pas tout de suite ?

Dans l’histoire (des arts et de la musique) si Elvis Presley était Elvis Aaron Presley, Bob Marley, Robert Nesta Marley, en France nous avions Dick Rivers, Eddy Mitchell ou encore Annie Chancel alias Sheila. Souvent dans la variet’ on changeait leur nom. Parfois même sans leur demander. Mais David Jones, lui, fut Bowie, et bien d’autres, inaugurant en quelque sorte l’idée de projet et de personnages. Pourtant tout a continué durant quelques décennies avec des noms de groupe ou d’emprunt.

Puis est arrivé la techno, l’électro et l’idée de projets porté par un nom s’est propagé, que ce soit pour une même personne, un duo, un collectif : Cassius, Daft Punk… peu importe qui se cachait derrière, un DJ, ou plusieurs. Ainsi est arrivé cette notion de présenter un projet assorti d’un nom, permettant une carrière multiple afin de développer plusieurs styles, aventures artistiques, sans être enfermé dans une seule image dont on ne peut sortir. La pop a fait de même à partir des 2000’s : Eels par exemple.

Mais revenons à Tiger (c’est ainsi qu’on l’appelle, c’est plus facile), lui n’a pas changé depuis ses début, et posons-lui la question ?


Salut Tiger ! Ce pseudo, ce projet, ce patronyme, d’où vient-il ?

Le pseudo est comme le projet, pas tout jeune. La mode dans l’Indie rock cira 2010s était à l’époque aux animaux et à la ponctuation. Je suis aussi un grand fan du Brian Eno des 70s….

La première fois que j’ai failli croiser Mathieu Poulain, en 2011, on m’avait commandé une conférence sur l’histoire de la musique folk, et lui devait jouer le soir. Sauf qu’un imprévu a fait que ce fut un autre. J’en conclu que le marseillais était apparenté à cette scène indie-néo-folk (Herman Dune…) qualifiée d’anti-folk.

Depuis je l’ai vu plusieurs fois sur scène, la dernière fut dans un projet de Martin Mey en juillet dernier : le Minimum Ensemble, sa voix de crooner, son énergie et sa guitare y apportait d’emblée une addiction certaine. Son second album en date, le lumineux et magnétique Altered Man est sorti en 2017, et il tourne encore sur ma platine, un disque foisonnant, où, à son habitude il occupe tous les postes.

Au-delà de sa voix, Tiger incarne la parfaite image du rockeur : boots, jean noir slim, grand, mince, belle gueule et cheveux longs. Tout pour tomber en pamoison devant ce cowboy multi-instrumentiste et compositeur. Mais c’est à une reprise qu’il s’est attaqué, et pas pour aller jouer dans les bals de campagne ! Car cette réinterprétation, cette réinvention du Bad Card – Rub A Dub Style de Bob Marley (sorti en 1980) n’a rien d’une relecture scolaire. Premièrement : pas reggae du tout ! Une guitare twanguy laisse apparaitre une image sépia, vielle photo écornée qu’on trimballe dans le portefeuille de sa poche arrière, puis un passage ou la voix chante, murmure comme sortit d’un gramophone, crachotante, là aussi très vintage, Puis doucement la voix crooner, un peu Roy Orbison, s’accompagne d’une montée orchestrale ou basse, claviers, rythmique s’immiscent peu à peu, construisant une miniature pop, intimiste, précieuse comme un bibelot hors du temps et des modes. Un « précieux » qui doucement vous gagne, loin du tube facile, mais chargé d’une addiction sur le long terme.

Quant au EP, qu’en d’autres temps on aurait qualifié de mini-LP, c’est un condensé autant addictif et varié que tout ce qu’il a produit jusqu’à présent. A une variante près, car Mathieu y tente le français dans le texte à plusieurs reprises.

Et d’emblée Hypernormal se distingue comme un tube en puissance dans ce qui est pourtant un disque lumineux et ouvert, intemporel comme un horizon positif. Cet Hypernormal nous évoque le Daho de La Notte, avec ces castagnettes et ses sonorités 80’s ou s’entremêle la guitare twangy (là encore) qu’on trouve chez Bashung à la même période.

Le titre éponyme Akureyri / Keflavik fait référence à deux villes Islandaises, d’où l’on peut partir et arriver par deux airports et nous embarque littéralement autant par son orchestration riche et sa mélodie. On flotte dans les nuages.

Overlooking the Valley, plus punchy, active une vision cinématographique, un clip ou le personnage marche dans les rues d’une ville. Pas loin encore d’un Bowie, tout comme Relief, plus grave, celui des années 2000, voix multiples, chœurs, spirit, montée, on touche à un truc divin. L’apport de la voix d’Alizée Leriche, présente sur la majorité des titres, se révèle dans Concentré, le second titre en français, mid-tempo là aussi très tubesque, joliment souligné par de multiples claviers ou glokenspiels peut être, à la mélodie imparable. L’histoire se clôt par Two Heaven ou le français se confond avec l’anglais, fin du voyage, changements de rythmes, attachez vos ceintures, atterrissage. Mais l’on sait qu’un voyage en appel un autre, et que dès le pied sur le tarmac, on a envie de repartir ou de poser l’aiguille du diamant à nouveau sur les premiers sillons, d’un EP qui n’est pour le moment disponible qu’en numérique !


©Max Well

Il me semble que tu es multi-instrumentiste, c’es le cas sur Akureyri / Keflavik, ton mini-LP, sorti en juin dernier et Bad Card, ton nouveau single qui vient d'arriver en octobre.

J’ai toujours (sauf le tout premier EP) tout produit en solo hors studio avec l’assistance de mon estimé collègue JC Andréoni (Guilhem Granier sur Sings Suzie et Emmanuel Debarros sur The Start of Whatever) pour les phases finales de mixage et de mastering, auxquelles j'ai également systématiquement participé. Sur Bad Card il y a juste mon ami Guillaume Pervieux qui a mastérisé le tout (je ne comprends rien au mastering, je n’ai pas la patience).

J’ai beaucoup adhéré à l’idée du studio comme instrument de composition, moins aujourd’hui peut-être, mais c’est un truc qui me fascine toujours comme par exemple des disques tel que Smile des Beach Boys, Odelay de Beck, Mount Eerie des Microphones, Sparklehorse, Eno donc et Hosono aussi... ou Frank Ocean et la musique électronique si on va par là.

Mais ça rend un peu cinglé toutes ces possibilités offertes par le home studio d’aujourd’hui, d’ailleurs je crois avoir laissé quelques cellules grises dans la production d’Altered Man (d'où son titre !), je crois que je préfère le disque d’avant, au final.

Sur Akureyri-Keflavik (l’album/Ep) j’ai un peu ouvert les fenêtres et on y trouve une voix féminine (Alizée Leriche) et un saxophone (Renaud VINCENT) : deux trucs que je ne pouvais vraiment pas faire tout seul. Je joue très mal de la batterie mais je triche, pareil pour le clavier, c’est long mais ça marche quand même.


Entre Altered man et ce mini-LP, que s’’est-il passé pour toi (en dehors de la pandémie, off course) ?

Entre les deux, plein de trucs. J’ai participé à une création théâtrale à Marseille (Désordre d’Hubert Colas), j’ai découvert les Cleaners From Venus (coeur sur toi Martin Newell), j’ai eu un enfant, j’ai déménagé (Marseille-Lille), j’ai eu brièvement un groupe d'indie rock 90s pur jus thérapeutique confidentiel, j’ai enregistré un disque instrumental ambient qui ne sortira jamais et j’ai surtout fait des très grands tours de montagnes russes émotionnelles. J’ai aussi enregistré un super disque avec mon super pote Olivier Scalia (Johnny Hawaii) à sortir chez La Station Radar, ça s’appelle Mollys. Ça nous a pris presque 6 ans.

D’où vient cette idée de reprendre ce titre de Bob Marley, apparemment très éloigné de ton univers ?

Ce titre de Bob est tout simplement mon préféré du répertoire du jamaïquain (avec Zimbabwe mais je ne pouvais pas vraiment la chanter, je ne suis pas Bernard Lavilliers non plus). Elle est extrêmement mélancolique et contraste vraiment avec tous les autres titres du rasta. Bob Marley est très très fort en lignes mélodique de chant (c’est pas Julian Casablancas des Strokes qui me contredira sur ce coup-là), ses chansons sont bien au-delà du style auquel on le rattache, un peu comme Dylan, Kate Bush ou Andy Partridge d’XTC (et d’autres mais la liste est longue !). Bob c’est aussi un peu un truc de nostalgie lycéenne (la paternité et l’âge amènent vite sur ce terrain-là), j’ai toujours écouté plein de trucs obscurs mais pour se la coller avec les copains-copines au lycée il y avait toujours Legend qui trainait et puis comme je n’allais tout de même pas reprendre les Doors ou les Chemical Brothers et bien j’ai choisi Bob Marley.

Après ce mini LP, y’aura-t-il un album qui va suivre ?

A l’origine c’était un album complet (un truc bien long même), mais j’ai décidé un peu au dernier moment d’en jeter au moins la moitié pour que le bidule soit plus cohérent au niveau de l’ambiance et du son. Et puis presque deux ans de hiatus général ça donne du temps pour réfléchir (trop ?) ! Pour la suite on verra bien tôt ou tard, j’ai du stock et j’enregistre, je compose en permanence de toute façon, donc ça devrait bien se passer ! J’écris un peu plus en français qu’avant, ce n’est pas difficile vu que je n’écrivais quasiment qu’en anglais. J’aimerai bien trouver le moyen de faire un bon disque engagé (est-ce possible ?). Parce que c’est bien la merde en ce moment !


Elaguant son projet pour le ramener à six titres plus Bad Card, Oh ! Tiger Mountain se rappelle à nous par la plus belle des manières, un concentré de chansons magiques, un bonzaï de miniatures pop, illustré par ce chat bleu signée Irène Tardif, également réalisatrice du clip du titre Akureyri-Keflavik.


Max Well


Akureyri / Keflavik, mini LP (2022 Microphone Recordings MicRecs101) juin 2022





Bad Card, A Bob Marley Cover (Microphone Recording (Distro Soundbirth) octobre 2022



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