- EN BONUS // INTERVIEWS -
JACQUES CHARLES
PAROLE DE
WARHOL
ENTRETIEN Frédéric Lemaître // PHOTO Pacôme Dedieu
PIANISTE, CHANTEUR, COMPOSITEUR DE PLUSIEURS ALBUMS, JACQUES CHARLES REVISITE AUJOURD'HUI EN CHANSONS, L'UNIVERS MULTICOLORE D'ANDY WARHOL.
À TRAVERS LES MOTS DU MAÎTRE ISSUS DE SES DÉCLARATIONS ET TRADUITES EN FRANÇAIS, IL A ÉLABORÉ UN SPECTACLE LIVRANT PLUSIEURS POINTS DE VUE LITTÉRAIRES ET MUSICAUX, RETRAÇANT LA VIE DE L'ARTISTE NEW-YORKAIS.
Qu’as-tu privilégié des entretiens de Warhol ?
Oh vraiment, c’était facile, j’ai principalement utilisé des interviews des années 60, parce que Warhol y était si brillant. J’ai fait une adaptation, comme pour un livret d’opéra. Dans le spectacle Parole de Warhol nous jouons également des reprises de l’album Songs for Drella, où Lou Reed & John Cale rendent hommage à leur mentor Andy Warhol, trois ans après sa mort. C’est un éclairage primordial pour le spectacle. Des chansons originales ont également été composées pour ce spectacle, qui empruntent la mythologie des lieux, de l’époque, des personnes qui les hantent, avec un point de vue plus européen.
Warhol est parfois allé trop loin pour les Américains comme avec ses tableaux de chaises électriques ou d’accidents de voiture.
« I’ll’be your mirror…» Warhol allait être le miroir de l’Amérique. Avec ses Marilyns, Elvis, Cambell’s soup, Brillo box, c’était acceptable pour les Américains. Mais avec sa série Death and Disasters (les chaises électriques, les accidents de voitures, d’avion, les meurtriers...) aucune galerie américaine ne voulait les exposer. Pourtant les nouvelles de désastres tombaient chaque jour dans les journaux, à la radio. C’était la matière première d’Andy. Les marchands américains estimaient que cela devait rester du domaine des faits divers, ne pas s’infuser dans l’art. C’est donc à Paris qu’a eu lieu le premier accrochage de cette série Death and Disasters ! L’Amérique n’était pas encore prête à se regarder dans le miroir Warhol. La chanson I’ll be your mirror se confond avec l’histoire de Lou Reed, Nico & Andy Warhol. Lou était admiratif de la capacité de travail d’Andy qui était de 14 ans son aîné. Il a intégré Nico dans le Velvet parce qu’Andy lui a suggéré. Ils sont devenus amis. Concernant l’écriture de ses chansons, Lou Reed déclare qu’il ressentait le besoin de puiser dans les inspirations de Warhol, et d’écrire aussi vite que possible. Chaque matin Andy demandait à Lou Reed combien il avait écrit de chansons pendant la nuit. Warhol était obsédé par la production, la quantité. Il admirait Picasso pour cette raison. La production d’objet étant devenue la raison d’être de l’Amérique, Warhol démultipliait ses peintures en multipliant les images. Il s’est toujours refusé à expliquer quoi que ce soit de plus, il reflétait !
Qu’as-tu vu au musée Warhol à Pittsburgh dont tu mentionnes le nom dans les morceaux Smalltown (L. Reed / J. Cale, traduction L. Gerin) et Cette fille ?
Pittsburgh est la ville natale d’Andy Warhol, là où il est enterré, là où on a ouvert son musée. Je suis parti là-bas un peu en pèlerinage. À force d’entendre parler de cette ville dans les biographies de Warhol, de voir des photos, je voulais visiter ces lieux. Je voulais aussi comprendre pourquoi Andy considérait Pittsburgh comme une petite ville, alors qu’elle a 300 000 habitants. J’ai pris le Greyhound de 23h à New York et je suis arrivé au petit matin à Pittsburgh. Je voulais éprouver le temps de parcours qu’il a connu étant jeune homme, quand il se rendait à NYC. Je me suis rendu au 3252 Dawson Street, sa maison d’enfance, une petite maison ouvrière accolée à deux autres. Le jour de ma visite, les habitants de la maison mitoyenne déménageaient. J’ai alors pensé qu’il fallait sauter sur l’occasion, louer cette maison quelques mois pour monter les mêmes escaliers d’Andrew depuis la rue. Essayer d’écrire quelques chansons... Je suis allé à Bethel Park me recueillir sur sa tombe. Voir l’église St John Chrysostom Bysantine Catholic où la famille Warhol se rendait chaque semaine. La vision répétée des icônes a fortement influencée l’art d’Andy Warhol. Je suis un vrai fan quoi ! Le musée en lui même n’est pas renversant, mis à part son hall d’entrée splendide, la présence de beaucoup d’œuvres de jeunesse que je n’avais jamais vues, de ses Time Capsules : des cartons remplis de tout ce que gardait Andy, car il ne jetait rien (un paquet de bonbons, une montre encore dans son emballage, une revue, une lettre, une facture de taxi...) Pittsburgh est une ville de l’ère industrielle avec pas grand-chose à faire ni à voir. L’équivalent pour nous Français d’une ville de 50 000 habitants. Ce sont des villes que l’on cherche souvent à quitter... C’est ce qu’il a fait !
Suite de l'entretien
avec Jacques Charles
dans PERSONA #10