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Marc O // L’homme de l’ombre

Dernière mise à jour : 6 sept. 2023


Sa vie est un roman d’aventures rock, débuté à Paris et qui s’est prolongé à Londres.

Installé à la table d’un troquet parisien à l’ancienne, Marc Olivier, exilé en Angleterre depuis 25 ans, a des choses à raconter et une passion folle pour le rock’n’roll qu’il brûle de partager.

Avec son premier album solo, L’homme de l’ombre, Marc a réussi un coup de maître : embrasser tout un héritage pop et rock’n’roll, autant français qu’anglais, en un ensemble (un peu) nostalgique, mais surtout, actuel. Respectueux du passé mais totalement dans l’époque. Le musicien s’est taillé, en un seul disque, une place de choix dans nos discothèques.


L’enregistrement de l’album a débuté en 2016 avant d’être longtemps mis en pause à cause de la maladie. Comment vas-tu aujourd’hui et quels ont été tes sentiments quand tu as tenu le disque physique entre tes mains pour la première fois ?

(Marc soupire, silence) Ça va mieux maintenant même si je ne serai jamais plus celui que j’ai été avant. Je suis un miraculé. Je ne devrais pas être là aujourd’hui. L’album était fini, il fallait que je le mixe. Pendant toute cette longue convalescence sans savoir si j’allais m’en sortir, l’album était dans ma tête. Tout le temps. Cela me tenait. Il fallait absolument que le disque sorte, pour que je m’en sorte aussi. Je l’entendais constamment. Je voyais toute la production, j’entrevoyais la manière dont je voulais le mixer. Dès que je me suis remis sur pieds, j’ai attaqué, morceau par morceau. Sans me mettre de pression, j’y suis allé. J’ai appelé un ami à New York, un ingénieur du son incroyable. Il m’a vachement aidé, conseillé, pour que je reprenne confiance en moi afin que je le mixe moi-même. Il m’a dit que j’avais l’oreille pour ça. Après la maladie tu as une perte de confiance totale. Tu ne te retrouves plus, tu ne sais plus qui tu es. Il faut se réinventer. L’album a été fait par quelqu’un qui n’était plus. C’est comme ça que je l’ai ressenti. Il fallait que l’album sorte pour achever tout un cycle de vie. Si j’avais laissé tomber, je serais mort avec. L’album est vraiment chargé de plein de choses. Je l’ai sorti tout seul, sans label, en plein Covid. Quand j’ai eu le vinyle, j’ai ressenti la fin d’un cycle. Et en même temps c’était un nouveau truc qui commençait, car c’est mon premier album solo et mon premier album chanté en français. C’était énorme quand je l’ai eu dans les mains (rire timide).


Alors, trois choses m’ont marqué : la chanson Le test de la femme à barbe qui sonne comme un inédit de Melody Nelson de Gainsbourg, le petit clin d’œil à Dutronc dans le livret, et, toujours dans le livret, la photo avec ton frère à Hérouville Saint-Clair. Est-ce que ce disque est une manière de revenir vers la culture française et tes racines après des années d’exil en Angleterre ?

(Marc se saisit du cd et désigne la photo du bassiste Dave Richmond qui joue sur le disque) : Tu oublies le plus important. Ça c’est Dave et ça c’est la basse avec laquelle il a joué sur tout l’album Histoire de Melody Nelson !

Entre autres, il a aussi fait Your Song d’Elton John ou Manfred Mann.


Incroyable ! C’est extraordinaire !

(rires) Pour répondre à ta question, c’est exactement ça en fait. Je voulais faire quelque chose en français depuis longtemps mais je n’ai jamais osé m’attaquer aux textes. Je ne m’en sentais pas capable. Les textes en français, il ne faut pas se planter avec ça, c’est extrêmement dur à écrire. J’ai demandé à mon frère (l’écrivain et philosophe Bruno Pons Levy, ndlr) parce qu’il est auteur. Mais il n'avait jamais le temps, il a écrit trente ouvrages. Un jour je lui ai dit que ça serait vraiment bien qu’on fasse un truc ensemble, ce qui serait la première fois depuis nos 17, 18 ans. J’étais chez lui à Paris et le lendemain il me dit : « Tiens, je t’ai fait deux textes ». Je les lis et je me dis « whouah ! » Déjà, ça sonnait sans la musique. Il était musicien, violoncelliste à un très haut niveau avant de tout abandonner pour se consacrer à la philosophie et à la littérature. Il comprend la musique et sait comment faire sonner les mots. En six mois, il avait écrit 40 textes ! Donc, le projet c’est de faire quatre albums de dix chansons. Ça c’est le premier et je suis en train d’écrire le deuxième. On a fait un pacte. Il fait les textes, je m’occupe de la musique, je ne touche pas un mot et lui ne reprend rien de ce que je fais. On se surprenait constamment. Il m’emmenait des textes incroyables. Je pensais que jamais je ne chanterais sur des sujets pareils. Et mes musiques était totalement différentes de ce que lui aurait fait. Le disque s’est construit de cette manière : le français marié à un esprit viscéralement rock’n’roll. Au niveau de la production je voulais faire cohabiter les deux cultures qui me sont chères, la culture française et le rock’n’roll anglo-saxon. La démarche s’est prolongée avec le choix des musiciens qui sont sur le disque. J’ai voulu mettre en contact des musiciens qui n’auraient jamais joué ensemble autrement et de générations différentes. C’est pour ça qu’on a Dave Richmond qui avait 79 ans à l’époque de la séance, Kath Gifford (Stereolab) qui était dans la trentaine, mon pote le bassiste Sami Yaffa (New York Dolls, Joan Jett) et le batteur Christophe Deschamps qui a joué avec tout le gratin de la chanson française. Au niveau rythmique je voulais vraiment faire jouer ensemble ces deux mecs. Sami est super pointu et toujours très ouvert. Christophe c’est des plus grands batteurs en France. Et c’est un passionné de rock, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés. J’étais en tournée avec mon groupe Plastic Heroes et on avait partagé une scène à Paris. On a commencé à parler de Keith Moon et de Ringo Starr, nos batteurs préférés. On est restés en contact depuis. On avait la même passion pour toutes ces musiques. Je l’ai fait venir en Angleterre, il a joué avec nous, on a fait des tournées sur des projets anglais. Christophe et Sami c’était la base rythmique que je voulais. Ce n’était pas sûr que cela fonctionne entre eux mais ç’a a super bien marché ! Les Anglais n’entendent pas le rock français. Ça m’a toujours étonné. Marquis de Sade, Jad Wio, j’adore tous ces mecs, j’ai grandi avec Téléphone. Quand je fais écouter ça en Angleterre, ils ne comprennent pas. Quand je suis parti en Angleterre à 20 ans, je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à faire un truc dans ma vie, faire comprendre le rock’n’roll chanté en français aux Anglais. Il y a plein de groupes français supers qui ont fait carrière en Angleterre, aux États-Unis mais en chantant en anglais. A part un hit ici ou là comme Ça plane pour moi par exemple qui a bien marché, personne ne fait carrière en Angleterre en chantant en français. Sur un morceau ça passe, mais un album entier chanté en français, non. Et mon disque a été super bien accueilli.


Même pas Serge Gainsbourg ?

Gainsbourg, maintenant, pour une petite poignée d’initiés. C’est seulement depuis l’an 2000 à peu près que Gainsbourg est connu en Angleterre. Il avait eu un succès avec Je t’aime, moi non plus en 1969. Mais ça c’était parce que le titre était osé. Pourtant plein de musiciens comme Polnareff, sont venus enregistrer en Angleterre mais ce n’est pas pour ça qu’ils étaient connus là-bas. Aznavour a marché, mais quand il chantait en anglais, c’est le seul à être vraiment connu en tant qu’artiste. Les autres ont eu hit de temps en temps. Jusqu’à la génération fin 90, début 2000, les premiers à avoir eu du succès ont été Air puis Phoenix. Ils ont aidé à ouvrir les mentalités des Anglais, mais chanter intégralement en français, non, ça ne marche toujours pas. Moi, c’était le truc que je voulais arriver à faire. C’est un travail qu’on a entamé avec mon attaché de presse anglais et toute la presse spécialisée à répondu présent. J’étais ému. C’était incroyable. Un type comme Alan Clayson, un musicologue qui écrit dans Record Collector a aimé l’album. C’est aussi l’auteur des biographies anglaises de Gainsbourg, Brel et Edgard Varèse. C’est énorme.


L’album est aussi marqué par cette dualité où les guitares glam, rock’n’roll ( Le Dissymètre ) répondent aux synthés froids, limite industriels ( Rendons le leurre ). Comment conjuguer ces deux cultures ?

Je n’avais pas vraiment d’optique musicale en faisant l’album. Je voulais emmener toutes mes influences, tout ce qui m’a nourri au fil des années. Je viens plus du glam, du rock’n’roll, du punk rock, des Stooges, Marc Bolan, David Bowie, enfin tu vois. Dans les années 2010, en parallèle des Plastic Heroes, mon ancien groupe, je travaillais beaucoup avec Jared Louche, le chanteur de Chemlab, un groupe industriel. J’ai fait une tournée avec eux en 2010 aux Etats-Unis et je me suis retrouvé au milieu de la scène industrielle américaine. Il voulait apporter une énergie rock’n’roll dans les guitares du groupe. Il voulait faire coexister le monde robotique et la " looseness " (la décontraction, ndlr) typique du rock’n’roll. On a fait quarante deux états des Etats-Unis, tout le Canada, une grande tournée de deux ans, entre 2010 et 2012 ! Et à la fin on a monté un groupe ensemble, Prude. On a fait tout un album en mariant ces deux univers. L’album a été plutôt bien accueilli, mais malheureusement on n’a pas fait de tournée ensuite. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de partir sur mon projet solo qui est arrivé après trois ou quatre ans de musique industrielle. Avec tout ces sons vraiment ancrés en moi. On retrouve tout ces éléments dans mon album solo. C’est l’inverse de ce qui s’est passé avec Chemlab. J’ai emmené des sons industriels dans ce que je suis plus naturellement. La juxtaposition des univers dans l’album vient de là.


Dans le même ordre d’idées, il y a un feeling très seventies sur le disque sans être totalement revival. Tu t’es complètement approprié les sons de l’époque pour en faire quelque chose de personnel...

Tu sais, je ne suis plus si jeune que ça, j’ai grandi dans les seventies. Et en fait, ce sont mes sons. C’est ce qui m’a fait adorer la musique et qui fait que j’en joue encore aujourd’hui. Et j’ai encore plein de projets pour l’avenir. J’adore aussi les sons actuels, je travaille sur Pro Tools, j’adore la production actuelle. Dans mon studio j’ai les deux, et beaucoup de machines analogiques avec de gros boutons. Tous mes instruments sont vintages, guitares, pédales et amplis des années 60. La plupart des synthés sont aussi analogiques des années 70, début 80. Donc j’utilise tout ça et après j’utilise la technologie moderne et les outils les plus avancés en matière de production. Sans avoir le souci d’être dans le son du moment. Avec les années d’expérience je réalise qu’être dans le coup aujourd’hui, c’est le meilleur moyen d’être complètement démodé dans six mois. Le dernier son d’aujourd’hui ne m’intéresse pas du tout. Je voulais faire un album avec les outils qui me touchent, au niveau sonique, et faire un son qui fasse sens pour moi. Je crois qu’il y a plus de chance que le disque devienne intemporel en faisant ça. Que le disque gagne en longévité. Je n’ai plus l’âge pour faire le son d’une époque non plus. J’ai plein de choses en moi, et elles sortent comme elles peuvent à l’instant T. Je ne sais même pas comment sera le prochain disque. Il sortira d’une certaine manière. On évolue tout le temps. Le son, les chansons évoluent avec le temps.




Plein de musiciens français se sont cassés les dents à Londres…

Moi je me cassais les dents en France (rires) ! A l’époque où j’ai démarré, en France, la seule solution pour s’en sortir c’était de devenir un musicien de studio. Je suis complètement dyslexique, c’était impossible pour moi de devenir aussi bon que les vrais musiciens de studio. Et puis aussi, surtout, d’être aussi discipliné, de réussir les trucs nickel, du premier coup. J’étais trop bordélique avec une énergie qui partait dans tous les sens. Ça ne marchait pas du tout, je flippais de plus en plus, au point d’avoir l’impression de ne pas savoir jouer alors que j’ai commencé la musique à l’age de 4 ans ! Plus j’essayais, plus ça se refermait sur moi. C’est mon frère qui m’a dit : « Tu n’es pas fait pour ça, il faut que tu te barres en Angleterre. » Tu veux faire du flamenco, tu vas en Espagne. Tu veux faire de la bossa-nova, tu vas au Brésil. Toi, tu aimes le rock, tu veux faire du rock, où tu vas ? Angleterre ou Amérique. Je me suis dit, je pars en Angleterre. Mon père m’a filé sa vieille Ford. J’ai pris sa bagnole, un sac de fringues, ma Strat de 1963, un ampli et je me suis barré en Angleterre. Je ne connaissais personne, je ne parlais même pas anglais. J’avais un pote anglais à Paris qui m’avait dit d’aller chez son père. Je suis parti à Birmingham sans savoir parler la langue et il m’a accueilli à bras ouverts, super gentil. On ne pouvait pas communiquer parce qu’il ne parlait pas français mais on échangeait sur plein de trucs en même temps ! Je suis arrivé là-bas en pleine britpop. Au bout de deux mois j’ai commencé un groupe avec Simon Fowler d’Ocean Colour Scene. On voulait se faire un duo à la Keith & Mick. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à parler anglais. J’ai voulu vraiment m’immerger dans la culture anglaise, je ne voulais aucun expatrié français autour de moi. Pendant deux, trois ans je ne parlais à aucun français à Londres. Le groupe fonctionnait bien, on est partis en tournée avec Ocean Colour Scene dont on faisait les premières parties. On allait partout dans le pays. Dès que j’ai commencé avec ce groupe là, tout ce qui ne fonctionnait pas pour moi musicalement en France a fonctionné instantanément en Angleterre avec les musiciens anglais. Et dire que, parfois, certains en France me faisaient comprendre que je n’avais rien à faire dans la musique. Alors que j’ai grandi dans la musique, mon père était un grand guitariste, concertiste classique et que je travaillais énormément. Mais je n’avais pas cette approche méthodique pour faire les choses. Partir ç’a été une ouverture incroyable. Après, c’est beaucoup plus dur de vivre en Angleterre qu’en France. Il n’y a pas ce système d'intermittence du spectacle. J’ai été intermittent du spectacle vers 18, 19 ans. A chaque fois que je voulais essayer de faire des groupes, les mecs me disait : « Non, j’ai assez de cachets comme ça, ça ne m’intéresse pas de travailler plus. » Moi je voulais faire des trucs, devenir Steve Marriott. J’ai tout lâché, l’intermittence c’est un piège pour l’inspiration. Tu vas être dans ton truc, avoir une sécurité, mais sans jamais devenir toi-même. Là-bas, t’as intérêt à assurer. Ce que tu as dans tes mains, tu l’as vraiment gagné (rires). Cela ne se fait pas tout seul si tu vois ce que je veux dire.


C’est pour ça que dans le disque à un moment tu chantes : « je suis un franglais » ?

C’est dans Le Triangle au Carré . A un moment tu n’es ni français, ni anglais. En fait ça devient une double culture. Je suis autant attaché à la culture française qu’à la culture anglaise. Je porte les deux en moi.


Tu as encore des liens avec la scène française ?

Je renoue les liens avec la France. Avant-hier j’ai dîné avec Patrick Coutin, Kbye de Jad Wio et Georges Betzounis (Delaney Blue). Des mecs supers, on s’est super bien entendus aussitôt. Comme des vieux frères perdus. On s’est demandé pourquoi on ne s’est pas rencontrés avant. Mon premier prof de guitare électrique, à onze ans, c’était Michael Jones. A cet âge-là, j’étais déjà sûr de ce que je voulais faire de ma vie. Il m’emmenait dans sa Mini Cooper, j’étais assis sur les amplis, aux répétitions avec Jean-Jacques Goldman au studio Gang. Jean-Jacques avait une Simca Horizon à l’époque. On écoutait les maquettes en cassette de Je te donne sur l’autoradio de la voiture. J’étais assis à l’arrière. J’avais 13, 14 ans. Ce sont des souvenirs, pfff… Je n’écoutais que des albums de rock, je me suis rendu compte qu’en France pour faire de la guitare électrique, il n’y avait que la variété française. Et ça ne me convenait pas.


Le Brexit ne t’as pas fait revenir ?

Non. Beaucoup de français sont revenus. Je n’ai jamais vraiment traîné dans les cercles français à Londres, qui étaient tous dans la finance, la City. Je suis resté avec mes potes anglais. Les crises financières ne m’ont jamais affecté. On n’a jamais de thunes de toute façon ! Pas ou un peu moins c’est pareil pour nous (rires) !


L’album se termine avec L’Homme de l’Ombre. Ce titre parle-t-il de ton père ?

Non, c’est une fiction ! C’est l’idée d’un mec sur scène qui tue son auteur, parce qu’il ne supporte pas que les mots qu’il déclame tous les jours ne viennent pas de lui. Il s’est tellement approprié ces mots qu’il veut tuer l’auteur pour que l’on pense que cela vient de lui. On retrouve ce phénomène dans pleins de milieux différents. Les gens s’approprient les idées et veulent éliminer la source.


Sur le plan musical le titre est assez dramatique.

Je suis vachement épique ! J’ai été énormément influencé par Ennio Morricone. J’adorais tous les westerns de Sergio Leone, c’était magnifique ! J’ai aussi grandi dans la musique classique, j’ai assisté aux répétitions en voyant mon père jouer dans des grands orchestres. J’avais cinq, six, sept ans. J’ai retranscrit tout ça avec une instrumentation qui m’appartient.


Régis Gaudin



L’homme de l’ombre ( Plastic Sound Records)




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