Le deuxième album de Will Butler est à son image : inclassable, énergique et vivant, frais et littéraire aussi. Alors que sa première tentative était anecdotique, il nous livre ici de magnifiques pépites, comme « Bethleem » et « Close My Eyes », que n’aurait pas reniée Arcade Fire. Parce que disons le d’entrée de jeu, Will Butler est membre du groupe américano-canadien. On en retrouve d’ailleurs deux fidèles compagnons sur certaines titres, l’ingénieur du son Mark Lawson au mixage et le saxophoniste Stuart Bogie à la clarinette et au sax. Pour le reste, la méthode diffère. Autant le groupe ressemble à un collectif, de nombreux musiciens sont de la partie à chaque enregistrement, autant ici, Will Butler est omniprésent. Il joue sur chaque titre de presque tous les instruments, exception faite de la batterie et du sax : guitare, basse, claviers, percussions et bien sûr chant. Dans Arcade Fire, il est ce musicien qu’on voit taper avec des baguettes sur la tête d’un autre – certes, affublé d’un casque – dans les débuts du groupe, sortir de scène ensanglanté, tenir la basse parfois, la guitare sur « Haïti », puis jouer du xylophone sur la période Neon Bible, pour enfin s’offrir une belle collection de claviers à partir de l’album The Suburbs. Cette fois, c’est son disque, alors il joue de tout en même temps. Des claviers par exemple, on en trouve beaucoup dans Generations, mélangés à des guitares électriques et à de très belles mélodies qu’il chante en harmonie avec des chœurs assurés par Jenny Shore, qui n’est autre que... sa femme. Chez les Butler, la musique est une affaire de famille – et avant tout de couple : son frère et Régine Chassagne dans Arcade Fire, leur grand-père Alvino Rey et sa femme Louise King plusieurs années en arrière. Jenny Shore est danseuse et chorégraphe et est passée par la Northwestern University of Chicago, où elle a rencontré Will Butler. C’est une université très côté, plutôt littéraire et Will en est sorti diplômé en Poésie. Il y a d’ailleurs un temps dirigé la section poésie du magazine littéraire. Ça se sent. Les textes de Generations sont d’un très haut niveau. On a du plaisir à les lire au dos de la pochette vinyle, pour une fois non relégués à un insert compliqué à déchiffrer. Ils parlent de l’époque, de chaos, d’amour bien sûr, et de bruit autour. Cette très bonne tenue des textes n’empêche pas le disque de dégager un côté punk, Do It Yourself. Will Butler a d’ailleurs enregistré les instruments lui-même et l’album sort chez Merge Records, ce label indépendant de Caroline du Nord créé par et pour le groupe punk Superchunk et qui a sorti les trois premiers albums d’Arcade Fire. Un disque forcément libre, donc, et pour lequel une sensation de fraicheur demeure.
Matthieu Davette

WILL BUTLER
Generations
(Merge Records) // 2020.
Comments