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Theo Hakola // Rencontre à Reims


©Karine Mintoff

Theo Hakola invité d'un Groupe d'Entraide Mutuelle,

rencontre improbable à Reims ?


C'est une histoire de sensibilités, celle d'un artiste à la carrière musicale et littéraire prolifique, celle d'une association accueillant des personnes fragilisées par des troubles psychiques. C'est aussi l'histoire d'une personnalité, l'histoire du temps qui passe, de Passion Fodder à Theo Hakola, un univers singulier façonné par un rapport ambigu à son pays, les États Unis, par ses engagements politiques, par ses amours, de la littérature, des femmes, de la liberté. C'est une voix qui nous embarque au son du rock folk, chantant ou scandant des textes où l'attachement à la langue, que ce soit l'américain ou le français s'inscrit dans une forme complexe et poétique.


CaféGem, un lieu de rencontres improbables, c'est comme cela que Bernard Weber, écrivain et dramaturge, premier animateur du Cafégem, résumait l'une des philosophies de cette association rémoise qui favorise les relations entre des artistes et ses adhérents.

Les Groupes d'Entraide Mutuelle sont des dispositifs issus de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce sont des structures originales à la croisée des chemins de la santé, du social et de la culture. Il y en a plus de 600 en France qui sont auto-gérées par des personnes qui rencontrent les mêmes problématiques. Leurs objectifs sont de lutter contre les conséquences de la maladie psychique à savoir l'isolement, l'exclusion sociale et la stigmatisation.


Implanté à Reims dans un quartier paisible, facile d'accès et proche du centre ville, le CaféGem compte autour de 150 adhérents. C'est à la fois un local en rez en chaussée et un grand jardin, le Potagem, prêté par la Mairie. Ses forces vives sont ses adhérents, ses deux salariées et des bénévoles.

Le CaféGem est crée en 2007 par la volonté de soignants et éducateurs des secteurs de psychiatrie. Ils s'emparent alors du dispositif des G.E.M, las de la violence institutionnelle faite aux Clubs Thérapeutiques, associations de patients et de soignants qui promeuvent des relations plus horizontales.

A Reims, l'association prend la forme d'un café associatif sans alcool dont les deux leviers sont la convivialité et la culture.

Le projet du CaféGem est fondé sur la conviction que la créativité permet de développer la sensibilité, l'imaginaire, l'émotion. Dans cette perspective, l'art et la culture donnent sens à la vie, ils contribuent au désir de vivre et à la confiance en soi, fonctions mises à mal par la maladie mentale. L'idée est de favoriser l'épanouissement et la participation des adhérents, car ici on ne parle pas de patients. Cela peut être dans le quotidien autour du salon et de son bar, ou des nombreuses activités qui jalonnent la semaine et le mois.

C'est aussi la proposition de quatre stages artistiques annuels, animés par des artistes autour de médiations variées (arts plastiques, théâtre, danse...). Le CaféGem, c'est aussi des Éditions dont la ligne éditoriale est celle de témoignages de vie d'adhérents sur leur parcours en psychiatrie et les ressorts pour y faire face. S'en sortir, petit manuel de vie* est le huitième ouvrage publié.

La volonté est également d'investir les lieux culturels de la ville, de se faire connaître. Chaque dernier vendredi du mois, le Cafégem programme un auteur ou un comédien à la médiathèque du centre ville de Reims. Ce sont des lectures publiques où se croisent des adhérents, des usagers de la médiathèque, des curieux.


©Karine Mintoff


Septembre 2022. C'est au tour de Theo Hakola d'ouvrir la saison et de s'installer dos aux baies vitrées donnant sur la cathédrale dorée par la lumière déclinante de cette fin de journée. Deux présences imposantes. Il a choisi pour cette lecture des extraits de Non Romanesque * ; récit autobiographique, mais pas que. Chapitre 11 « Du sang », celui qui coule dans ses veines et celles de son frère aîné, frère idéalisé frappé par la psychose. C'est le récit de leurs retrouvailles à Spokane, ville natale, « Mon rapport à l'art et la politique sera toujours lié à ce grand frère et au chemin qu'il parcourait avant d'être dépossédé de son avenir. Ce grand frère d'avant. Parti pour changer le monde ». D'une voix émue, il lit le contraste des corps, de l'intériorité, de la présence au monde. L'on fredonne " I'd sell my soul to god " * chanson énumérant les propositions de sacrifices dans un pacte fictif avec le divin pour que son frère recouvre un esprit sain. C'est aussi le sang filial qui le rattache à sa mère dont il va disperser les cendres dans le bras de la rivière. La pesanteur du texte laisse place à la douceur de la mélodie. Theo nous gratifie de plusieurs morceaux interprétés au piano. Cela nous allèche, pourquoi pas un concert organisé par le Cafégem ?

Nouvelle expérience après une soirée de soutien qui s'est tenue en 2009, avec à l'affiche le performeur Eric Poindron et le chanteur, compositeur Charlélie Couture.


Mai 2023. C'est le week-end de Pentecôte, il fait beau, les adhérents du Cafégem s'affairent dans les derniers préparatifs ; petite restauration maison, champagne, bière et softs au bar. Alors que la dernière venue de Theo Hakola à Reims remonte à 1998 dans la salle underground de l'époque, l'Usine ( rasée et remplacée depuis par une résidence), c'est à la maison de Quartier Le Flambeau qu'il se produit. Formule trio avec Bénédicte Villain, l'acolyte de toutes les aventures au violon et du talentueux Simon Texier au piano, partenaire de la formation en trio ou des lectures musicales. Ils nous offrent une playlist de 17 morceaux revisités en version acoustique et épurée. 80 personnes s'installent dans cette salle dédiée essentiellement au théâtre.


©Karine Mintoff

Silhouette longiligne, costume trois pièces et chemise blanche, Théo entame Quicksilver, mélodie envoûtante. Devant un public pour la plupart profane, mais très attentif, ils égrènent des morceaux des deux derniers excellents albums et des « vieilleries » de Passion Fodder. Artiste toujours engagé, ils interprètent son dernier titre Russian warship à la ritournelle saluant la résistance ukrainienne.

Le piano entame les notes de The struggle for love que Simon joue en version valse entêtante, suit Blood thicker than love, morceaux que l'on connaît par cœur et qui font se dresser les poils. Séquence nostalgie, ce sont nos vies, notre jeunesse qui défilent, nos choix, nos amours, nos pertes, les rides qui sillonnent désormais nos visages. Cette voix singulière nous enrobe, nous émeut, nous poursuit « I'll die if I stay any longer, die if I go somewhere else, I don't understand happiness, can't think of how it felt ». Le set se termine par le spectre de Carson Mc Cullers avec Heart hunters. Alors le chasseur solitaire quitte la scène. Reviviscence jouissive ou belle découverte pour d'autres, les adhérents saluent la performance.


Karine Mintoff



Ainsi, l'année 2023 au Cafégem est immanquablement une année musicale :

Mai : concert en trio de Theo hakola,

Juin : stage artistique avec Olivier Vaillant musicien, auteur compositeur Rémois sur la création de chansons avec un concert pour la fête de la musique,

Octobre : projection débat du documentaire L'énergie positive des dieux autour du groupe Astéréotypie*,

Novembre : comédie musicale d'Alberto Lombardo, inspirée par les chansons italiennes des années 70/80,

Décembre : nouveau stage de création et enregistrement de chansons avec Olivier Vaillant.

L'aventure continue donc avec son lot de rencontres improbables !

Cafégem : www.cafegem.org


S'en sortir, petit manuel de vie Récits d'isabelle Lamouret, Frédéric Nekkachi et Marie Lionne Amazon 2022

Non Romanesque Les Fondeurs de Briques 2022

Woke up this morning 1989 Barclay

• Interview dans Persona N° 20 (https://www.personaedition.com/product-page/persona-n-20-été-2022)




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