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Order89 // Des Illusions


Order89 ©Remy Brugere
Order89 ©Remy Brugere

Retour aux sources pour une liberté retrouvée


Dans un monde où l’image prime souvent sur l’émotion, où les réseaux dictent la cadence des cœurs, ORDER89 débarque comme une vague froide, un rappel à l’essentiel : ressentir. Le duo franco-sudiste, mi-Bordeaux, mi-Marseille, forge sa musique dans une matière brute, sans fioritures, sans stratégie. Juste les nerfs à vif d’une poésie tranchante nourrit d’une rage qui laisse surgir le sombre réel dans la lumière.

Avec Des Illusions, leur dernier EP 3 titres, sorti le 13 juin, Jordi (guitare, chant) et Flavien (synths, machines) creusent plus profond encore dans les limbes post-punk, mêlant les fantômes telluriques de Joy Division à des éclats de synthés hérités d’un Depeche Mode halluciné. Pourtant, loin de la redite nostalgique, ORDER89 construit son propre territoire rythmique, là où les machines vibrent, où les guitares grondent et où la parole a encore du sens. Rencontre avec le duo pour parler de cette nouvelle désillusion


Salut les gars ! Merci d’être là. Première question, qu’est-ce qui vous a mené à l’écriture de ce nouvel EP ?

Jordi : C’est la première fois depuis qu’on a commencé Order89 qu’on fait de la musique vraiment pour nous. On s’est affranchis de tout ce qui pouvait nous freiner : label, booker, contraintes extérieures. On ne voulait plus attendre deux ans pour sortir un morceau qui, au final, ne nous parlait plus. Là, c’était instinctif.

Fin 2023, Luce, notre guitariste depuis L’été des corbeaux, a quitté le groupe. On a terminé les concerts à deux avec Flavien, on s’est retrouvés seuls. On s’est demandé : On continue ou on laisse mourir le projet ? On a choisi la deuxième option : continuer. Deux jours enfermés dans le studio, trois morceaux sont sortis. Sans filtre.


À deux, c’est plus clair, plus brut ?

Flavien : On était en duo à la base. On a essayé d’ajouter des guitaristes au fil des années — quatre en tout — et à chaque fois, ça complexifiait notre son. On s’éloignait de ce qu’on voulait vraiment faire.

Jordi : Là, on revient à quelque chose de plus minimaliste, plus instinctif. On écoute notre propre EP presque tous les jours — et ça ne nous était pas arrivé depuis longtemps. On garde plus facilement la première version du morceau. On veut que ça reste brut.

Flavien : Et puis à deux, on est forcément d’accord.

Jordi : sinon il me tape ! (rires)


Vous avez toujours eu une esthétique très engagée dans vos textes. Le fait de produire plus rapidement, ça vous permet aussi de coller à l’actualité ?

Jordi : Clairement. Quand quelque chose nous touche, on peut écrire, enregistrer et sortir un morceau dans la foulée. C'est quelque chose qui nous a pas mal pesé à notre niveau, bien sûr, on était pas non plus signé en major, mais ça nous a un peu bridé dans nos process de création et dans les messages qu'on voulait véhiculer au moment où on voulait les véhiculer, surtout. Par là j'entends que quand on avait quelque chose à dire et qu'on écrivait une chanson, il fallait attendre, donc ça n'avait plus vraiment de sens à nos yeux. Plus de label, plus d’attente. Juste notre cœur à vos oreilles. Avant, on finissait par détester nos morceaux avant même leur sortie, tellement c’était long.

Flavien : Là, on est libres. Libres de dire ce qu’on veut, quand on veut. C’est un système plus honnête. Même s’il est imparfait, au moins il est à notre image.


Comment vous organisez-vous concrètement, avec la distance et vos autres activités ?

Jordi : On a l’habitude. Depuis le premier confinement, on compose à distance. On s’envoie des idées, on bosse chacun de notre côté, puis on se retrouve à Bordeaux deux jours pour tout assembler. En live, on redécouvre les morceaux. On ne répète presque pas, donc chaque concert est une vraie montée d’adrénaline.

Flavien : C’est intense, mais justement, ça rend l’instant unique. Chaque concert est vivant, vibrant.


Et pour les concerts, vous tournez comment maintenant ?

Jordi : En fait, on ne démarche presque plus. Les dates viennent à nous. On a joué en off du Hard Rock Festival récemment. On fait en sorte de caler deux ou trois dates autour, histoire de ne pas faire un aller-retour pour une seule date. Cécile Callens nous aide là-dessus, et on vient de signer avec une bookeuse pour la France et l’Europe.


Vous avez aussi toujours eu des soutiens fidèles !

Jordi : Oui, mais on reste prudents. Même les proches peuvent fausser le jugement. Soit ils veulent te faire plaisir, soit ils se projettent trop. On a compris qu’on était mieux à deux. Plus de filtres.

Jordi : Le single Labyrinthe, mixé chez nous, sans promo, a mieux marché que tout ce qu’on a sorti auparavant avec deux mois de promo, des attachés de presse, etc. On s’est dit : pourquoi continuer à payer plein de gens pour des résultats similaires ? On bosse mieux à notre rythme.


Musicalement, vous revenez à quelque chose de plus direct, plus New Wave…

Flavien : Oui. Avant, on était trop "guitar-driven". Moi je suis bassiste, donc mon jeu à la guitare est très simple, plus linéaire. Mais c’est ce qui donne ce côté épuré, plus New Wave que post-punk. Trois notes, une boucle, un gimmick, c’est ça Order89 aujourd’hui.


Est-ce que vous allez rester sur des sorties numériques uniquement ?

Jordi : On n’est pas fermés. Si demain un label nous propose un vinyle et que le feeling est bon, on fonce. Mais on ne veut plus attendre d’avoir 10 titres pour faire un album. Dès qu’un morceau est prêt, on le sort. Point.

Flavien : On est sortis de cette course à l’album parfait. On préfère dix petites sorties sincères qu’une grosse sortie frustrante.


Le titre de l’EP, Des Illusions, c’est un clin d'œil à tout ça ?

Jordi : Exactement. Il résume notre ras-le-bol de toutes les injonctions du milieu : le clip à 1500€, le post Insta à heure fixe, le TikTok obligatoire... Tout ce bullshit qui profite à ceux qui vivent autour des petits groupes, pas aux artistes eux-mêmes. On a dit stop !


Qu’est-ce qui vous anime encore aujourd’hui ? Qu’est-ce qui vous pousse à continuer malgré tout ?

Flavien : Franchement ? Être ensemble sur scène. Même sur un concert éclaté, si on est tous les deux, il n’y a plus de problèmes. On est dans notre bulle. C’est ce qui nous empêche de sombrer dans le cynisme.

Jordi : Et d’ailleurs, on ne te l’a peut-être pas dit, mais on sortira en septembre trois remixes de l’EP, réalisés par trois artistes féminines. C’était important pour nous de donner de la visibilité à des artistes qu’on admire. C’est notre petite exclu pour toi.


Stéphane Perraux


Juin 2025
Juin 2025

 
 
 

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