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Guadal Tejaz // Noche Triste

Dernière mise à jour : 2 janv. 2023


©Titouan Massé

Impossible de passer à côté de cette nouvelle merveille discographique de nos quatre amis bretons de Guadal Tejaz. Entièrement organisé autour d'une dualité massive, entre groov incandescent et chant habité, cet album fait écho aux meilleurs métissages post-punk / Krautrock, quelque part entre Can, Shame ou encore Killing Joke, à la différence que ce dernier est bourré de samples électrisant et tout en se détachant progressivement de leurs sonorités rock garage des débuts. Garant d’une précieuse spontanéité, ils prouvent une fois encore leur savoir-faire créatif mélodique. Les compos sont taillées au cordeau avec une bonne dose de testostérone, qui en augmente encore plus l’adrénaline contagieuse. Un disque qui foisonne de petits détails qui vous mettent la fièvre au corps et des fourmis dans les jambes. Seul ou a plusieurs on en redécouvre la savoureuse richesse à chaque écoute avec un plaisir non dissimulable et une furieuse envie de la partager au monde.


Vous présentez actuellement, votre deuxième album Noche Triste. Quelles seraient pour vous la plus importante évolution qu'on pourrait constater sur celui-ci ? Morgan : On a intégré plus de boîtes à rythme, plus de synthétiseur. On a aussi travaillé d'une manière très différente dans la composition et dans l'enregistrement de l'album. En gros, dans l'album précédent, on était parti sur de l'enregistrement live, tous ensemble dans la même pièce, là nous voulions faire quelque chose de différent.

Corentin : Nous nous sommes rapprochés de Gaultier BALZAN qui travaille dans le studio Maison Carmin à Rennes. À la base, Gaultier vient des musiques électroniques, il fait du Sound design et du jeux vidéo et ça nous paraissait intéressant de confronter nos deux univers , avec un côté synthétique, rythmique plus dansant dans un sens.


C'est donc principalement sur l'aspect technique que vous estimez avoir le plus évolué ? Théo : Disons que c'était le but d'avoir une autre expérience différente et un parti pris dans le son aussi beaucoup plus travaillé, plus rigoureux. Mais en ce qui concerne la composition, des influences autres sont venues entre Cóatlipoca et cet album-là. Des goûts déjà présents mais qui se sont amplifiés comme typiquement le post-punk avec le côté électronique aussi qui s'infuse un peu plus dans notre musique. Aussi, au-delà des influences peut-être des envies de faire des titres moins longs. Avec le temps, tu commences à savoir où sont tes qualités et tes faiblesses, là où ça pêche, afin évoluer.


J'ai le sentiment que sur cet album, il y a aussi un souhait d'apporter quelque chose de plus mélodieux. Est-ce aussi une volonté de se séparer de votre matrice krautrock d'origine ? Morgan : Oui, la matrice en terme de chant est plus mélodique. J'ai débuté le chant avant Cóatlipoca et étant autodidacte il y a une marge de progression importante, donc tu y vas à fond. Et puis tu as des envies. Je suis fan de chanteur mythique comme Elvis Presley, alors tu rêves forcément d'aller vers le meilleur côté du chant. Les parties instrumentales sur certains morceaux, ont aussi amené un équilibre sur le chant en avant. Ce qui découle de faire des compositions plus jolies même si après, je n'ai pas la prétention de juger mon propre chant. Mais je voulais vraiment travailler ma voix et que le côté garage punk soit moins présent...


La narration avec plus de choses racontées c'est aussi parce que vous vouliez exprimer des choses de façon plus concise ?

Morgan :

On voulait que ça soit plus clair sur la voix... même si on se fichait un peu que les paroles puissent être vraiment comprises de tous. Là, avec la volonté de faire des chansons plus courtes, il y a eu une sorte de fil de narration qui rendait la relation plus simple. Tu dois vite venir à l'essentiel du propos.

Théo: Après lorsqu'on s'est retrouvé avec l'ensemble des morceaux, on a réfléchi à des enchaînements possibles. Et là, il y a eu encore beaucoup de choses que nous avons dû raccourcir.

Corentin: On a quand même réussi à faire des fins instrumentales qui sont assez courtes au final très cool. Puis en live lorsque tu as 45 minutes de show, si tu fais 10 minutes sur un titre, tu as déjà un quart qui est parti (rire).


Vous parliez tout à l'heure du côté post-punk. Est-ce pour vous quelque chose qui va orienter votre musique à l'avenir ? Théo : On va aller de l'avant, pour travailler vers des connexions diverses, comme du psyché rock que nous n'avons pas encore abordé. Avec Noche Triste on arrive à un résultat un peu hybride avec boîte à rythme et batterie. Maintenant, on voudrait travailler sur un nouvel EP, cinq titres, assez rapidement pour expérimenter un univers encore différent. Hugo : Et puis, rythmiquement, avoir aussi des effets ambiants. On ne se donne pas de limites. Morgan : Au niveau du chant, je sais que j'ai une texture de voix post-punk qui me va très bien. Après, mon ultime souhait : j'aimerais bien rapper ou chanter comme un crooner. Ce sont mes petites lubies.(rires)



©Stéphane Perraux

Depuis vos débuts, vous avez fait des rencontres forcément décisives j'imagine ? Mogan : Oui forcément. Paul Moreau du label Crème Brûlée Records. C'est lui qui a bien défendu le projet au début et nous a permis d'avoir des concerts et aussi la team du Festival de Binic (la nef des fous), et après bien sûr les gens des Transmusicales. Puis, au niveau musical, on a eu pas mal de belles rencontres, mais une des plus grosses, c'est Ashinoa, un groupe de Lyon qui fait du krautrock instrumental et Abschaum, un groupe de rock français. En gros, on s'est rencontré en jouant dans des concerts ensemble et après, on a rejoué ensemble plusieurs fois. À chaque fois, on faisait des jam à la fin tous ensemble et ça c'est bien passé, à la fois humainement et musicalement. Dans les belles rencontres, il y aussi You Said Strange, et toute sa bande, vraiment des supers mecs. Lorsqu'on est arrivé en 2015, c'était un peu la vague néo-psyché, il y avait plein de groupes comme ça avec des concerts partout. Et en fait, ça nous a permis de rencontrer toute cette mouvance là. Les You Said Strange et Martin Carrière qui pour nous sont clairement des activistes dans notre style musical, donnent tout avec leur Festival Rock in the Barn. Ça nous a permis de pouvoir nous exporter assez facilement petit à petit. Ces gens- là sont les plus belles rencontres qu'on ait faites avec le groupe depuis nos débuts. Merci à eux...


J'ai recherché les origines de Noche Triste et d'après ce que j'ai pu comprendre, c'était en relation avec la débâcle d'Hernán, Cortés entre les Conquistadors et les Aztèques... Je me suis alors posé la question de savoir comment on peut utiliser cette histoire pour en faire un album ? Morgan : Déjà je trouve que le nom est à la base plutôt classe, et il permet aussi d'avoir plusieurs sens de compréhension, de significations. Mais en fait l'histoire est tellement incroyable que je voyais ça comme un parallèle à faire avec le capitalisme occidental actuel qui explose en chute libre partout dans le monde. Avec la métaphore de l'avarice, de la cupidité de ceux qui viennent en conquérants piller les richesses des autres, et qui sont prêts à mourir parce qu'ils ont trop d'or dans leurs poches et coulent avec. Bien fait pour leur gueule. (rires) Et donc si on regarde d'un œil curieux le monde actuel, c'est une histoire qui est complètement contemporaine.


Toutes ces notions de dualités sont profondément humaines ! Morgan : On est clairement dans ces valeurs là en réalité. J'ai toujours été attiré par cette période Inca, Aztèques et Conquistadors. Au-delà de l'aspect esthétique qu'on pourrait trouver cool, il y a quelque chose de mystérieux et de fascinant, de profondément mystique où il y a aussi un sens des valeurs humaines très forts. Ajoute à cela la dualité de deux mondes qui s'opposent et un peu de surpassement de soi pour faire réfléchir sur la décadence de la planète. Bref, on trouvait que c'était assez ambitieux de trouver une narration autour de cette histoire-là, dans un album...


©Stéphane Perraux

Comment vous situez-vous par rapport à ce monde en déclin ? Êtes-vous dans la contemplation ou plutôt sur la notion d'action ? Morgan : Comme le dit un copain : "Tu fais du punk, il faut que tu chantes des chansons politiques, revendicatives, etc..." Notre message politique est caché dans le mysticisme global (rires). Mais pour répondre à ta question, le monde est clairement en déclin et c'est la merde partout, il faut être lucide. Et d'un autre côté, tu ne contrôles pas ce qu'il y a dehors. Tu n'as qu'une vie, autant la vivre pleinement. Trouve tes propres expériences à vivre, tes propres mythologies et vas-y à fond. De toute façon, tu n'as pas trop le choix. Sinon tu deviens passif, tu laisses les choses se faire sans toi et tu te mets la corde au cou. Le dépassement de soi que ça impose n'est pas une valeur qu'on impose aux gens, c'est plutôt une réflexion que tu dois mener face à toi-même. Tu es seul décisionnaire et tu vas puiser dans tes racines humaines. Et puis comme on disait tout à l'heure, les synergies positives de groupes, essayer de trouver des gens, des connexions, des ressources afin d'offrir en échange tes forces aux autres, c'est hyper motivant. C'est sûrement la meilleure chose à faire aujourd'hui.


Dernière question. Là, votre album est sorti, vous avez déjà pas mal joué sur scène. Qu'est-ce que vous visualisez dans un futur très proche ? Théo : S'amuser et bien jouer, autant que possible, pour réussir à continuer à en vivre un peu. Corentin : Parce que c'est une chance incroyable et ça laisse du temps pour faire de la musique confortablement. Hugo : Profiter au maximum d'être ensemble et que chacun soit satisfait de ce qu'il fait dans le groupe en restant à l'écoute. Morgan : Avoir de la gratitude par rapport à notre situation, parce que le monde à côté est en train de brûler. Après au final, on va couper des têtes et faire des pyramides avec (rires).


Stéphane Perraux


Noche Triste (Beast Records / Crème Brûlée Records / La Nef D Fous) Distribution : Modulor. Octobre 2022




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