©JC Polien
Originaire d'un petit village au cœur des montagnes Jurassiennes, GLIZ, est un power trio (banjo, tuba et batterie) fondamentalement décalé qui après trois ans de silence radio, revient avec un merveilleux second album MASS. Atypique, leur rock hybride, ouvre le champ des possibles, audacieux et structuré mais aucunement prétentieux ils défendent une vraie originalité qui se moque bien des modes et des a priori, préférant la sincérité d'une démarche qu'un grand fourre-tout mainstream. Fidèle à leur créativité composite, enraciné dans une vivacité hors norme les trois musiciens développent des sonorités folk rock progressives aux accroches taillées pour la scène, qui nous transportent instinctivement et ne sont pas sans nous rappeler dans des moments de grâce mélodiques, Archive, Led Zep ou encore Placebo. Mais attention ils ne rentrent pas vraiment dans les cases qu'on voudrait leur attribuer et c'est bien là leur force première, ne pas être là ou les autres sont, mais réinventer un style, une couleur musicale qu'ils puissent porter fièrement. Les 10 titres de cet éblouissant opus sont dans cette veine rougissante qu'ils fabriquent en artisans passionnés, vastes, poétiques, rêveurs, résonnant avec justesse dans l' ADN qu'ils se sont eux même inventé, les pieds bien ancrés dans un terreau à l'imagination fertile. Les paradoxes d’harmonies millimétrées de progs aux diapasons, soulignent leurs énergies sauvages, prégnantes, qui transpirent par delà les sons, cherche à nous faire réfléchir et nous électrisent. Avec ce deuxième album, Gliz peaufine son univers musical, augmentant ainsi, sur le fond et sur la forme, une réelle richesse intérieure. A l'affiche cette année des Bars en Trans de Rennes, ils répondent à nos interrogations avec une franchise savoureuse qui leur ressemble bien ...
Depuis vos débuts en2014 vous avez beaucoup évolué aussi bien au niveau sonore que scénique. Quel est le principal atout de Gliz aujourd'hui ?
Le premier atout de Gliz, c’est la singularité du projet avec ces instruments hors-champ. Au niveau de la musique,l’atout qu’on essaie de développer c’est le mix sensibilité/énergie.
Avez-vous toujours la même vision du rock (par rapport à votre "exo-rock " originel) ?
La ligne “exo-rock ”, faire du rock autrement, ailleurs, c’est de toute façon l’ADN du groupe et ça, ça ne changera pas.
Votre mélange instrumental (banjo, tuba et batterie) donne un côté atypique à votre folk-rock. N'avez-vous jamais été tentés de venir à quelque chose de plus classique (guitare, basse, batterie) ?
C’est comme dans l’évolution des espèces, il n’y a jamais de retour en arrière possible. Les dinosaures ne reviendront pas et nous on n’est pas prêts de reprendre une guitare ou une basse à la place de nos précieux instruments.
Non, honnêtement, en dehors du côté concept de cette affaire, c’est surtout que c’est un atout énorme en termes de composition. Ça nous fait envisager nos instruments et la création d’une façon neuve, fraîche, décalée et ça donne vraiment des possibilités de création très différentes de ce qu’on peut faire avec des instruments classiques. En nous obligeant à nous exprimer autrement, ça nous permet de creuser notre propre sillon dans l’univers du rock.
Vous venez de sortir Mass, votre nouvel album qui à été conçu pendant la pandémie. De manière générale, quel à été votre processus de création pour son élaboration ?
J’apporte des chansons avec mon banjo donc c’est forcément un peu folk à la base. Ensuite, on les joue ensemble et là, très vite, ça dérape vers le rock ! Je me fais retoquer la plupart de mes morceaux en première lecture, ça fait mal au cœur mais c’est salutaire. Pour l’album, j’ai dû amener une cinquantaine de brouillons, on en a exploré une trentaine vraiment à fond et au final on n’en a gardé que 10, les plus énergiques et intéressants. Avec les vingt qui sont restés sur le côté de la route, on aurait de quoi faire un autre album plus sombre, plus mélancolique et introspectif, genre The Dark Side of The GLIZ !
Dans vos chansons il y a beaucoup de références sombres au monde, avec un certain regard inquiet, presque désabusé. Votre état d'esprit, quel était-il à l'époque et quel est-il aujourd'hui ?
Je constate juste qu’on nous fait sauter d’une peur à une autre, d’une angoisse sociétale à une autre, ça enchaîne les fins du monde (le terrorisme puis la pandémie, puis le climat, puis l’Ukraine, puis…?). Il y a une dimension tragi-comique à tout ça, qui parfois me fait presque rire et parfois me désole. Donc oui, inquiet, désabusé voire même cynique sur ça, mais par contre, foncièrement optimiste sur le “vrai monde” : les gens gentils qu’on croise partout, la nature magnifique.
Not The End, le titre qui ouvre l'album, parle justement de ça. Et non justement, je ne pense pas que c’est le monde qui est sombre, c’est l’angle de vue que les médias, les politiques et les réseaux nous proposent qui l’est beaucoup trop. Le fait de regarder le monde à travers le prisme des écrans est déprimant, et à travers ses seuls yeux, réducteur. Il faut essayer de trouver un équilibre sans jamais livrer les clefs de sa conscience aux autres.
Mass est particulièrement réussi et pour ma part, j'y retrouve de plus en plus de similitude avec le premier album de Placebo mais avec du Led Zeppelin au milieu. Votre power-trio rock est-il sous influence ? Qui vous inspire ?
Les influences, c’est toujours quelque chose qui infuse en fond, jamais l’idée de faire des morceaux “à la manière de ”. Dans nos compositions, on met tout ce qu’on a dans le cœur, sur l’instant. Après, c’est le public qui rapproche notre musique de différents groupes et c’est là qu’on se marre car à chaque fois il y a toute une panoplie de références très différentes. Ce sont des retours intéressants car on voit qu’on fait une musique finalement bien difficile à classer et à référencer. On n’a pas la prétention de révolutionner le rock, mais ça nous fait plaisir de voir qu’on fait un truc différent,” fait maison ”, unique. C’est super plaisant que tu fasses référence à Led Zeppelin, c’est une groupe que j’ai beaucoup écouté, j’adore. Placebo c’est bon aussi !
©JC Polien
All is fine est le titre à m'avoir le plus chamboulé. Il est aussi le seul morceau calme de l'album. Qu’est-ce que ce morceau raconte vraiment ? Au début, il devait s’appeler All Is Vain. Il parle de la vanité (au sens vain), de la vie. Du challenge de passer un bon moment sur Terre avec le « one shot » auquel on a tous droit, ce qu’on en fait, comment on gère notre microscopique bout de chemin individuel dans l’immensité hallucinante de l’univers dans lequel on a été jetés à la naissance. C’est un regard tendre et cynique sur cette folie.
Parlez-moi du clip de Totem.
On est partis sur une sorte de safari mystique, une battue hallucinée à la recherche de Mass, l’animal totem, le trophée rêvé qui se révélera aussi être notre chaman-dealer ! Totem est le 1er épisode de la saga des aventures hallucinées de Mass, l’étrange divinité païenne qui parcourt l’album et qu’on suivra dans les prochains clips. Costumes d’époque, décorum sauvage, sarbacane et méhari… en route “Let’s go ! On expedition ! Search for the beast now ! “
Vous avez joué au Bars en Trans dernièrement. Qu’est-ce que les Bars en Trans vous inspirent ? C’est un super endroit pour exposer notre musique devant le monde de la musique réuni à Rennes, présenter le projet et préparer le calendrier des lives de la saison à venir. On s’est aussi baladés sur le festival pour découvrir des nouveautés.
Comment imaginez-vous le groupe dans 10 ans ?
On vit le moment présent depuis le début avec Gliz. Honnêtement, en débarquant sur la scène rock avec nos instruments étranges, on ne pariait pas grand-chose sur le projet et à chaque étape franchie, on hallucine un peu de voir que ça fonctionne. On se laisse porter et on verra bien où ça nous mène, mais pour l’instant on est très contents de ce qui se passe.
Stéphane Perraux
MASS (YOUZ PROD / BACO DISTRIBUTION ) 18-11-2022
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