Troisième journée au Fort, quatrième et dernière journée du festival. Dernière ligne droite pour profiter, découvrir et s’enthousiasmer.
On aurait rêvé d’un couché de soleil sur les remparts pour Hand Habits et son folk rock captivant. Il faudra faire avec quelques ondées. La voix aérienne de Meg Duffy portée par des riffs de guitare sublimes (Can’t Calm Down, Placeholder) s’élève dans le Fort en cette fin d’après-midi. « Est-ce que tout le monde est très fatigué ? Non ?! Moi non plus ! » Meg Duffy refait surface entre ses morceaux et échange chaleureusement avec le public, tout en humour, faisant référence à sa première expérience à La Route du Rock aux côtés de Kevin Morby, où elle était arrivée en jetlag, épuisée après un vol raté et des heures de voiture. « Cette année au contraire je suis prête ! » Son set mêle des morceaux de son premier album aux plus récents Are You Serious?, tendre ballade folk lumineuse, et Jessica. Meg Duffy est aussi douée en songwriting qu’à la guitare : on a rarement vu une rupture métabolisée avec autant de classe. S’il est bien question de rupture dans son second album Placeholder, c’est qu’un déménagement à Los Angeles et une séparation ont conduit Meg Duffy à accorder plus de temps à son projet solo Hand Habits. Sur scène, sa silhouette a l’élégance et la simplicité (apparente) de ses compositions. Celles-ci nous confèrent le supplément d’âme, cet addenda gratuit que seul l’art sait nous donner quand il est fait ainsi, avec autant de sincérité et de talent.
Touchés en plein cœur nous dérivons vers la Scène du Fort. Nous distinguons d’abord les arrangements soignés de Deerhunter, avant d’apercevoir Bradford Cox et ses comparses. Lunettes XXL, chemise imprimée: l’esthétique sixities pourrait être trompeuse. Rapidement pourtant la batterie agressive et familière du dernier album Why Hasn’t Everything Already Disappeared? est lancée. Les guitares sont à sa poursuite. Bradford Cox, allure affectée et silhouette interminable, est maître dans le décalage. Volontiers provocateur, il suggère l’instant parfait pour un tea time. C’est pourtant avec un ciré jaune très raccord avec les tenues du public, qu’il mènera son groupe vers l’apothéose finale : plus la pluie tombe, plus les guitares se font diluviennes, métaphore ironique de la question posée par Deerhunter.
La fin du monde devra donc attendre. Venus de Montreal, le groupe Pottery a traversé l’Atlantique et nous embarque depuis la Scène des Remparts toute batterie dehors à l’assaut des titres de leur premier EP. Leur énergie est dévorante. Ils accélèrent changent de rythme, les guitares affutées et la basse assurée (Lady Solinas) nous menant parfois dans une apesanteur aussi brutale qu’inattendue. Pottery est heureux de voir un public aussi dense. Ce dernier sort de ce grand huit garage totalement ébouriffé.
Il fait maintenant nuit noire, la pluie tombe drue. Des néons roses et bleus très eighties inondent la Scène du Fort. On attend Metronomy d’une minute à l’autre.
« Bonsoir la Route du Rock. Ça va? » lance Joseph Mount dans un français impeccable.
« I’ m Joe. I love enjoying French coast with you! » Pendant son introduction, on reconnait les ingrédients qui font le succès du groupe depuis ses débuts : des claviers scintillants, une basse appuyée et une section rythmique tranchante.
A son tour, le bassiste Olugbenga décline son nom, son humeur et son signe astrologique. Après les claviers, c’est au tour d’Anna Prior à la batterie de conclure : « Bonsoir, je m’appelle Anna. Je suis sagittaire. » Un groupe qui décline son horoscope en préambule de son set, c’est plutôt cool, non ? Tout sourire et avec aisance, Metronomy semble bien évoluer sous un ciel de coolitude totale, attaquant sans plus attendre avec Heartbreaker puis The Bay, léché et rassembleur.
Leur plaisir à être là est palpable. « Merci beaucoup ! Nous sommes Metronomy et c’est un grand plaisir d’être là ! Est-ce que tout le monde se sent bien ? » Suivront entre Everything Goes My Way, Reservoir et autres tracks devenus classiques, trois nouveaux inédits (Whitsand Bay, Wedding Bells et Insecurity) de leur nouvel album à venir en septembre. La foule semble ravie de ce mélange et exulte sur The Look jubilatoire ! C’est au tour du public d’être tout sourire. Le temps de leur set, les néons de Metronomy ont éclairé le ciel pluvieux de la côte d’émeraude.
Après la pagaille joyeusement (des)organisée de la chenille, des cordes paraissant curieusement classiques résonnent dans une obscurité intrigante. C’est l’intro du set tellurique de David August qui mêle visuels crépusculaires, éléments électroniques et chants incantatoires. La nuit avance et on ne veut pas croire que la 29e édition de la Route du Rock se termine bientôt.
Heureusement le ciel de Saint-Malo a gardé son meilleur effet pour accompagner Oktober Lieber sur la Scène des Remparts. Marion Camy-Palou et Charlotte Boisselier n’ont pas peur du noir. Elles délivrent un set tendu, épais qui fait la part belle aux sons puissants et hypnotiques de leur album In Human. Oktober Lieber triture, syncope et distord les sons dans une atmosphère étrangement dark. Des trombes de beats s’abattent au rythme d’une pluie tenace sur des festivaliers dansant, en transe, refoulant toute fatigue. Dantesque.
Et on pourrait se redemander ici « pourquoi tout n’a pas encore disparu ? ». Il est 02h05. Oktober Lieber passe le relai à Silent Servant pour accompagner le public dans les ultimes heures du festival. Cette 29e édition de la Route du Rock touche à sa fin. La fréquentation aura cette année encore été en hausse (21 500 entrées dans le Fort, mieux que le record de 2018). On aura pu profiter, découvrir et s’enthousiasmer du savant dosage de valeurs sûres et de nouveautés excitantes. Rendez-vous pour les 30 ans, et pour les plus impatients dès février pour les 15 ans de la collection hiver !
Veyrenotes & Wunderbear
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