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HYPERRÊVE // Nos absences futures

Dernière mise à jour : 28 juin 2023


©Flavien Prioreau

Samuel Lequette, auteur-compositeur-musicien-producteur, signe sous le pseudonyme Hyperrêve un premier album électrique et poétique : Nos absences futures.

Mêlant rêves futuristes et voyages intérieurs, les huit chansons mélancoliques ou optimistes forment un ensemble cohérent, qui évoque avec sensibilité nos doutes contemporains, aussi bien sur les enjeux climatiques que sur nos désirs de rencontres humaines et sensuelles. A l’heure où l'artificiel est partout présent dans nos vies, nous reconnecter à l'essence du réel semble salutaire. Dans cet album justement se croisent de nombreux invités prestigieux (Alain Damasio, Barbara Carlotti, Deborah de Robertis, Françoiz Breut, Chloé Mons, Verity Susman, Jean Charles Versari, Yan Péchin et bien d’autres) comme pour amplifier la notion humaine des textes de Samuel. Il revisite même Nos Fiançailles de Nilda Fernandez. Dans ce disque, indéniablement l'union est une force vive. Un premier opus grave et doux à la fois où s’entremêle avec grâce les ambiances noise-rock électrisantes et une pop mélancolique élégante.


Bonjour Samuel, peux-tu nous parler de l’origine de Hyperrêve ?

Hyperrêve c’est un projet individuel imaginé comme une entité collective. Je suis en l’occurrence auteur-compositeur-interprète-producteur. Je travaille avec des musiciens remarquables - le guitariste Yan Péchin, le bassiste Bobby Jocky, le batteur Arnaud Dieterlen, la violoniste Erica Nockalls - et je suis attaché à l’idée qu’il existe une forme de création collective. Ce que j’ai joué et enregistré d’abord, en home studio, n’est pas exactement ce qu’on entend sur l’album. Bien sûr on retrouve ma voix - le parlé-chanté - et certains enchevêtrements de guitares qui sont en quelque sorte ma signature. Mais les musiciens qui ont joué mes chansons les ont fait voyager, et c’est ce que je voulais. Je souhaitais évidemment reconnaître mes chansons mais aussi qu’elles m’échappent. Ce premier album c’est également la rencontre avec un réalisateur, Jean-Charles Versari (ex-Hurleurs), qui m’a permis d'expérimenter, de préciser et de formuler sur un plan technique et formel des intuitions ou des idées. Enfin Hyperrêve c’est un état psychique : une sorte de veille. Quelque chose comme ce qu'on voit quand on s'endort. Au moment où surgissent des apparitions flottantes, qui tiennent peut-être plus du rêve que de l’esprit. Une disponibilité mentale et sensorielle qui permet des entrouvertures. C’est l’état dans lequel je me ressens lorsque j’écris et que je compose.


Dans ton univers beaucoup de choses s’entremêlent : sociologie, écologie, humanisme, poésie et révolte, le tout dans des compositions élégantes. Comment décrirais-tu le fil conducteur de cet album ?

Ce maillage que tu décris est bien sûr indissociable de ma « formation intellectuelle et sensible ». S’il y a un fil conducteur, celui-ci est peut-être énonciatif, c’est-à-dire les manières d’être ou de vivre, de se positionner dans le langage et dans le monde dont il parle. Toutes mes chansons activent une énonciation collective. Le plus souvent c’est un « nous », et lorsque je dis « je », le « je » est inséré dans une interlocution. Ce pourquoi l’idée d’un album choral s’est progressivement imposée à moi. Je voulais que le dialogue soit incarné selon différents registres et singularités. Plutôt que l’élégance, je recherche l'âpre et la nuance.


Les 8 titres de ce premier opus sont très différents musicalement les uns des autres, mais pourtant homogène ?

L’impression d’homogénéité est probablement liée à la volonté qui a été la mienne assez tôt de composer un ensemble. Les chansons qui constituent cet album entretiennent entre elles des relations qui ne sont pas simplement l’effet d’un assemblage plus ou moins heureux de dernière minute, mais qui correspondent à un projet esthétique. Cela ne veut pas dire qu’il existait au départ un plan ou une structure préexistante - l’accident a une part importante dans le bricolage d’une chanson et d’un album - mais que le choix des chansons est déterminé par une globalité. Doit-on pour autant parler d’un « album concept » - je ne m’y oppose pas. J’aime les albums qui se déploient et s’organisent selon des motifs, des profils ou des thèmes structurants puissants, comme des actions politiques. Je pense (à s’en tenir aux musiques pop chantées) à des artistes comme Anohni et Björk, aux derniers albums de Scott Walker, en France à Léo Ferré, à Diabologum, dans un registre plus « crypté » à L’imprudence d’Alain Bashung, ou bien encore à Michel Cloup, à Mendelson, et à Gontard.


Tu as collaboré avec de nombreux artistes, (Barbara Carlotti, Alain Damasio, Amanda Langlet…), comment as-tu choisi ceux avec qui tu voulais travailler ?

Les voix qui se mêlent à la mienne sur cet album sont celles d’artistes avec lesquels j'ai des affinités réelles, pour certains je les connaissais déjà avant de faire l’album, j’avais travaillé avec eux en tant que producteur, collaborateur ou auteur ; pour d’autres la rencontre a eu lieu à l’occasion de l’enregistrement, c’est le cas par exemple pour Verity Susman, la chanteuse du groupe anglais Electrelane, ou Amanda Langlet, actrice dans deux films de Rohmer qui comptent pour moi, Pauline à la plage et Conte d’été.


©Flavien Prioreau

Loin d'être une diatribe, il y a beaucoup d'espoir et de bienveillance dans tes chansons. Es-tu d'une nature optimiste ou plutôt pessimiste ? Comment envisages-tu l'avenir ?

Mes chansons parlent de ce que je ressens de plus fort au moment où je les écris, les déclencheurs sont multiples : le réchauffement climatique, la guerre, les migrants et le cimetière de la Méditerranée, nos tentatives de renouer avec le vivant… Ce sont des « sujets » qui peuvent sembler sérieux ou graves, mais j’ai toujours l’espoir de parvenir, sans peser ni poser, à associer esthétique et politique. Pour autant je ne suis pas un chanteur engagé au sens où je servirais une cause ou un parti. Simplement, je ne peux m’empêcher de questionner le rapport de l’art au politique, à la société et à l’histoire. Ce questionnement peut prendre des formes très diverses. Dans mes chansons, il s’inscrit souvent dans la relation des amants face à la catastrophe ou à la fin d’un monde, et dans nos relations avec l’environnement humain et non-humain. Je suis très attentif à la pensée écologique contemporaine, et à la manière dont le politique porte les grands enjeux écologiques actuels. Ces prises de conscience ont quelque chose de terrifiant et de déprimant. Mais la dépression est peut-être la manière la plus concrète et la plus vivifiante d’expérimenter le désastre écologique actuel. Être sombre n’est pas être nihiliste, c’est une forme rafraîchissante de réalisme.


Nos absences futures possède des textes extrêmement imagés et narratifs. A la limite nous pouvons l'assimiler à un roman musical... C'est ce que tu imaginais au début du projet ?

Cette conception me plaît bien. D’une part parce que je suis attaché à la dimension narrative des chansons. J’aime l’idée qu’une chanson raconte une histoire. Non pas les "petites affaires privées" de chacun mais l'histoire d'une ville ou d'une forêt, d'une société humaine ou d'un monde animal... M'intéressent les relations et les interconnexions. Ce pourquoi les chansons de Bill Callahan, par exemple, me touchent particulièrement.

D’autre part le roman c’est aussi pour moi, en l’occurrence, un roman des origines. Pourquoi raconte-t-on des histoires ? Pour transformer quoi ou pour surmonter quoi ? J’aime bien cette idée : nous nous réveillons d’un rêve, la fin du monde a déjà eu lieu, et nous sommes au commencement.


La suite pour toi c'est quoi maintenant ?

Ce premier album, je l’ai pensé comme un objet discographique. L’"actualité" des artistes invités et la dispersion géographique limitent les possibilités de le jouer sur scène. Cependant je prépare déjà un deuxième album qui, celui-là, je l’espère, pourra être associé à un live. Je travaille en ce moment avec Yann Arnaud (réalisateur pour Dominique A, Pomme, Syd Matters…) et Julien Noël sur neuf nouvelles chansons.


Stéphane Perraux


Nos Absences Futures (MEDIAPOP / KURONEKO) MAI 2023


Et voici en exclusivité ici, le clip chorégraphié du morceau La Forêt.



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