Si vous trainez dans les salles de concerts et bars de Rennes où la musique bat la mesure, vous avez forcément croisé la route de ce grand passionné plein d'entrain. Philippe Trocheris, avec son humour ravageur à des histoires plein sa besace qu'il aime partager, en amoureux de la vie. Avec son appareil en poche, il aime capturer l'instant, un sourire, un coin de ciel angoissé ou la frénésie d'un riff de guitare. Partons faire sa connaissance avec la version intégrale de l'entretien paru dans le n°26.
Philippe, peux-tu nous dire quel est ton parcours en tant que photographe ?
Comment aimes-tu travailler et avec quel matériel ?
Déjà quand j'étais môme, j'étais très attiré dans les magazines par la photographie et l'art en général. J'étais subjugué par ces photos en noir et blanc alors que la vie était en couleur. Chez mes parents, il y avait beaucoup de tableaux et de photos qui jonchaient les murs. C'est ainsi que je m'amusais parfois à piquer son appareil photo à Maman et prendre des clichés derrière son dos. C'est quand elle faisait développer ses photos qu'elle ne reconnaissait pas forcément ce qu'elle avait pris... Je n’étais pas trop fier de moi mais Maman me disait que j'avais l'œil. Quand j'ai eu 10 ou 11 ans, on m'a offert un appareil photo et quand je partais en vacances, mes parents m'achetaient des pellicules (12 poses). Je prenais ce qui venait à moi : des monuments, des passants, des oiseaux, des couchers de soleil... Je regardais tout bonnement ce qui se passait autour de moi et je faisais "clic". Plus tard, ma passion pour la musique a pris le dessus et quand j'achetais "Best"ou"Rock'n'Folk", je restais en admiration devant les photos live de Claude Gassian, de Philippe Carly, de Pierre René-Worms ou encore de Richard Bellia... Ils avaient approché mes idoles :"The Cure", "Joy Division", "Siouxsie And The Banshees" et j'en passe tellement... À Rennes, mon beau-frère, qui m'avait emmené voir les Cure à la discothèque de "L'Espace" le 05 octobre 1981, connaissait les photographes locaux, à savoir Richard Dumas, Philippe Remond et Vincent Allain (alias Ian Craddock). C'est aussi quand j'étais ado, que j'ai su, que du côté maternel, nous étions une famille d'artistes. En effet, ma mère qui est née Jobbé Duval, une famille d'artistes peintres et de décorateurs, m'a dit que c'était mon arrière-grand-père qui avait peint la nef de la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes. Il y a aussi au "Parlement de Bretagne" une salle qui se nomme "la salle Jobbé Duval". Il existe dans plusieurs villes de France, des rues à l'effigie du nom de jeune fille de ma Maman. Après le décès de mon père, quand j'ai eu 17 ans, mes préoccupations n'étaient plus axées sur la photographie, les filles, les sorties, l'alcool et la drogue étaient de mises. C'est à ce moment-là que la musique a pris une importance primordiale dans ma vie, j'ai commencé à faire de la guitare, de la basse et du clavier, je tâtonnais mais je préférais laisser ça à d'autres. Plus tard, autour de mes 30 piges, je me suis remis à la photo, j'étais apprécié dans les soirées et les mariages pour mes clichés et mes talents (rires) de DJ... Hélas, après avoir travaillé longtemps dans le milieu de la nuit sur Rennes, les bouteilles de Ricard et de gin ont remplacé mon désir de sustenter mes amis de belles images... En 2018, après seulement une semaine de cure de désintoxication, j'ai compris que tout ça c'était fini... J'ai eu un nouveau téléphone portable et j'ai commencé, grâce aux nouvelles technologies, de refaire de la photo. Aujourd'hui, mon Huawei P20 pro et moi sommes indissociables depuis six ans... Ce que j'aime à travers cet appareil, dont on ne peut plus se passer de nos jours malheureusement, c'est qu'il me permet de m'évader et de vous évader aussi... Il est bien évident que le noir et blanc domine dans mes photographies, quand on y a goûté, on ne peut plus s'en passer... Excepté la nature qui est plus belle en couleur...
La présence du ciel est dominante dans tes photographies d’extérieur, ainsi que les perspectives. Qu’est-ce qui t’a conduit à choisir ces thèmes ?
Le cadrage d'une photographie est important à mes yeux. Aujourd'hui, je suis atterré par les gens qui prennent des photos de tout et de n'importe quoi sans voir que la ligne d'horizon n'est pas droite ou qu'il manque un bras à un protagoniste de leurs photos. Si par exemple, tu prends un monument en reflet, il faut que le celui-ci comporte l'intégralité du monument que tu as pris ou alors il faut bien savoir le gérer. Paradoxalement, il faut savoir prendre "l'instant " mais le cadrage n'est pas forcément celui que tu désirais au départ. Si aujourd'hui, le ciel et la perspective sont au rendez-vous dans mes clichés, c'est tout simplement parce que la nature est somptueuse, il y a tellement de choses autour de soi à voir. Hélas, trop de personnes sont le nez dans leur portable alors qu'autour d'eux, il y a la montagne, la mer, le soleil... "J'ai les pieds sur terre, mais je regarde en l'air "...
Tu fréquentes également beaucoup les salles de concert et tu captures des moments sur scène. Quelle relation à la photographie as-tu justement dans ces instants-là ?
Ma relation à la musique est primordiale. Si je veux faire des photos d'artistes que j'apprécie particulièrement, je me dois d'être au premier rang sinon je me sens frustré car avec mon téléphone portable, le rendu n'est pas le même. J'ai pourtant acheté il y a deux ans un appareil photo mais je n'arrive pas à m'y faire, ou plutôt à m'y refaire. Quant Peter Hook est passé sur Rennes, je n'étais pas au premier rang au départ, j'ai dû jouer des coudes pour qu'au final je me retrouve devant... Il y a des moments magiques sur scène et quand Peter Hook te regarde et qu'il te serre la main après le concert, t'es tout simplement heureux...C'était le bassiste de Joy Division, ce n’est pas rien quand même...
Attention, car maintenant, je ne supporte plus les gens qui ne lâchent plus leurs appareils photos ou leurs portables durant un show. Je profite de chaque concert auquel je participe.
J'ai donc du mal à me considérer comme un photographe dans tous les domaines que j'explore. C'est une passion, pas mon métier. Ça rappelle des souvenirs, des anecdotes, car derrière chaque cliché, il y a une histoire...
Frédéric Lemaître
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