© Audrey Delaporte
Producteur, compositeur, réalisateur, mixeur et musicien muti-instrumentiste (on l'a vu sur scène, notamment avec Vox Low), Guillaume Léglise est un artiste multiple, hyperactif et déroutant. Début mars il nous dévoilait son fabuleux premier album Auto Fictions sur le label La Tebwa. Un opus aussi surprenant que magnétique, profondément conceptuel, qui l'érige au rang de nouveau dandy de la pop française. Rien que ça. C'est un album qui, au détour de mélodies sensuelles, de refrains de velours, de rythmes synthétiques, vous happe littéralement par surprise et vous envoûte sans même que vous vous en rendiez compte. Les dix chansons aux textes bouillants, subtilement ficelés, vous hantent la tête comme autant de ritournelles gantées de soie, convoquant tour à tour l'ivresse des séductions diurnes et les amours noctambules fugaces. Dans un romantisme aussi dense qu'intense, la moiteur des sentiments transpire dans chaque note, chaque succession de mots porteurs d'histoire saisissable qui se transforme en force attractive magnétique. Auto Fictions possède cette capacité vertigineuse à vous transporter dans un road movie narratif et musical à mi-chemin entre Baxter Dury, New Order et Serge Gainsbourg. Voilà le style de découverte qui me rappelle pourquoi j'aime autant la musique et la partager autour de moi.
Toi qui œuvre dans des esthétiques très variées, comment pourrais-tu définir l’univers musical d'Auto Fictions ?
Je dirai que c'est de la musique pop, tout simplement. Mais peut-être à l'anglaise, c'est-à dire que je suis un artiste qui fait de la chanson selon un certain format, on va dire couplet refrain etc.. qu'il soit indé ou mainstream, alors qu'en France on a souvent fait le raccourci, pop, populaire, donc forcément mainstream. Ce qui est certain c'est que oui j'ai touché autant à la folk, au rock qu'à l'électro dans mon parcours et que pour ce disque, je n'ai pas voulu mettre de côté certaines choses que j'avais pu faire. Au contraire, cet album me ressemble à l'instant T où il sort, c'est-à dire aujourd'hui il sonne comme ça parce que j'ai eu cette trajectoire, demain ce sera autre chose sans doute. J'ai pris autant de plaisirs et c'était aussi important pour moi de travailler avec mes synthétiseurs analogiques qu'avec mes guitares électriques ou acoustiques
Tu viens de sortir ton 1er album. Quelle à été le point déclencheur qui en a motivé sa mise en œuvre ?
J'ai enchaîné plusieurs EP entre 2017 et 2020 sous le nom de Fictions, et j'accumulais pas mal de titres dont les paroles étaient écrites le plus souvent par d'autres. Et puis un certain confinement m'a décidé à faire l'album avec mon véritable nom (c'était en germe avant déjà), j'ai écrit d'autres titres, des choses plus personnels, et il a fallu mener tout ça au bout dans ce contexte, y mettre tout son coeur pour proposer quelque chose dont je sois fier et qui me faisait sentir que ce format album était justifié.
Nous retrouvons à tes côtés Cléa Vincent et Lisa Li Lund, mais pour sa réalisation, de qui t'es-tu entouré ?
Alors c'est un peu une folie, mais je l'ai réalisé seul dans mon studio, que ce soit l'écriture, l'enregistrement, les arrangements et le mixage. Et j'ai pris un grand plaisir, moi qui réalise souvent pour d'autres artistes, à prendre le temps de bien le faire. Mais des oreilles bienveillantes et amies m'ont permis d'avancer, jouer les titres en live avec Clémence Lasme qui m'accompagne par exemple. Il a fallu parfois que je prenne de la distance, laisser reposer les prods et revenir dessus. Il est possible que je fasse les prochains disques différemment et accompagné, on verra !
Producteur, réalisateur, mixeur, musicien muti-instrumentiste, compositeur, ton cv est impressionnant. Pour autant as-tu ressenti une certaine forme de challenge ?
Bien sûr. Je pense que c'est souvent ce côté "challenge" qui m'intéresse, essayer de sortir d'une zone de confort, pour se permettre d'aller plus loin. Sur chaque titre je ne veux pas me répéter et permettre à la chanson de se démarquer des autres, d'avoir sa propre identité. Le challenge est moteur en fin de compte.
Tu parles beaucoup de sentiment dans tes chansons à la façon d'un dandy, un peu crooner, un peu charmeur, avec une profonde sensualité. Mais où puises-tu ton inspiration ?
Je la puise aussi bien dans mes souvenirs qu'après le visionnage de certains films. Il y a dans ce disque des choses qui appartiennent à ma vie et d'autres pas du tout, et j'aime ce mélange et la liberté qu'on peut y trouver. Il m'arrive de composer en matant un film avec la guitare dans les mains, j'ai même pu le faire au piano, en tout cas il me faut l'envie de raconter une histoire, et souvent celà vient de sensations qui me viennent de mon passé et que je veux retrouver, ou simplement d'émotions que j'ai pu avoir en voyant d'autres histoires, et ma façon à moi de me l'approprier. Un titre comme Flashback est très inspiré par l'ambiance des films Police et Loulou de Pialat, par exemple.
La narration d'Auto Fictions où tu te mets en scène (notamment avec les six clip réalisés par Jérôme Walter Gueguen) n'est-elle pas en réalité une certaine forme de mise à nu de toi-même ?
C'est très juste, je pense que j'ai voulu me laisser aller dans ces clips à incarner, avec ce que je suis, l'histoire écrite merveilleusement bien par Jérôme Walter Gueguen, à la fois en lui donnant presque carte blanche et aussi en faisant confiance en son grand talent. C'est sûr que d'être aussi présent à l'image en étant autre chose que "le chanteur" c'est une prise de risque. Il y avait une envie de lâcher prise chez moi. En tout cas les souvenirs de ce tournage resteront gravés en moi. On a tourné au mois de décembre et il faisait si froid sur les toits de Madrid, mais l'équipe réunie par Jérôme qui vit là bas était fantastique.
Comment envisages-tu la suite ?
J'ai très envie de jouer ces chansons sur scène, de leur donner vie, d'échanger avec le public et vivre tout ce que je pourrai vivre avec ce disque dont je suis fier. J'aimerai aussi lui donner une suite dès que ce sera possible, ne pas trop attendre, faire peut-être autrement que la contrainte de se cloisonner entre le studio puis la promo, puis la tournée. Je crois qu'on est beaucoup d'artistes qui aimeraient éclater ce format !
Et puis je continue la prod pour d'autres, parce que j'adore ça. Le prochain c'est le troisième album d'Order 89.
Stéphane Perraux
Guillaume Léglise Auto Fictions (La Tebwa) 14/03/2023
Guillaume Léglise en concert le 5 Avril / Release Party @ Popup! (Paris)
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