©CLAIRE BACHER
Vous ne connaissez peut-être pas encore ce projet au nom mystérieux City of exiles et pourtant, après leur magnifique précédent album éponyme sorti debut 2021, vous qui aimez Nick CAVE, Beasts of Bourbon ou de Bon IVER, ne pouvez qu'adhérer pleinement à l'univers de ce combo à géométrie variable mené de main de maître par Guillaume Lebouis. Et nous qui étions déjà sous le charme, attendions avec impatience un nouvel opus. Voilà que nos vœux sont largement exaucés avec Dead in Hollywood, 2ème disque encore plus beau que le précédent, plein de rage et de douceur. Au-delà de l'extraordinaire capacité de synthétiser toutes ces influences musicales avec brio, la force de cet album tient aussi et surtout dans la puissante atmosphère presque mystique qui règne dans les neuf titres inspirés. Chaque participant y ajoute sa petite touche, son ingrédient magique pour former un ensemble efficace, surprenant, pour ne pas dire carrément fascinant. Naturellement nous avons posé quelques questions a Guillaume chef d'orchestre de City of Exiles.
Pour resituer un peu l’histoire du groupe, peux-tu nous en faire une brève genèse ?
City of Exiles est né de l'envie de se réunir entre amis pour faire de la musique. En 2013, j’ai quitté le Havre pour m’installer en Corrèze et comme je ne voyais plus beaucoup mes amis normands, nos sessions étaient au départ un simple prétexte pour pouvoir se retrouver au studio Piggy in the mirror de l'immense David Fontaine. Fin 2019, nous avons esquissé les bases de notre premier album en partant de mes toutes premières démos enregistrées sur un zoom. On a très vite eu assez de matière pour bâtir le premier album de City Of Exiles.
Ton dernier album, Dead in Hollywood, est sorti il y a plus de 3 mois, presque 3 ans après la parution de votre 1er LP. Quand as-tu su que c’était le bon moment pour relancer la machine ?
City of Exiles est en perpétuel mouvement. Ce n'est pas l'opportunité de sortir un album qui guide la programmation de nos sessions, mais plutôt les quelques moments libres qui parsèment nos agendas respectifs. Toutes proportions gardées c’est un peu le principe des Desert Sessions de Josh Homme. Des amis, une table de mixage, des instruments, un pack de bière… On mélange tout ces éléments et cela aboutit à des chansons. Le temps est notre unique contrainte et paradoxalement, le fait d’en manquer stimule notre création. Pour résumer, on est plus Eight days the week que Lazy old sun, même si j’ai plus d’affinité avec cette dernière. Nous avons commencé à enregistrer Dead in Hollywood avant même que notre premier album ne soit sorti et il en a été de même pour notre troisième album qui est déjà prêt à paraître. Le cœur de City of Exiles est notre profonde amitié. Nous n'attendons pas le retro-planning d'un manager, la stratégie promotionnelle d'un attaché de presse et les moyens financiers des labels pour enregistrer. Composer, jouer, arranger et enregistrer est notre ecstasy. Le fait que notre amitié accouche de chansons est un heureux accident. Si on avait été fan de tuning, notre aboutissement aurait été au mieux de figurer dans un épisode de Strip-Tease. Avec la musique, notre objectif est de réaliser nos propres classic albums. Je pense qu’il en va de même pour Animal Triste.
City of Exiles est un groupe qui s'entoure d'amis et d'invités prestigieux. Avais-tu au début un souhait d'étendre le collectif a des personnes en particulier ?
Rien n'a été prémédité. City of Exiles est composé d’un noyau dur de musiciens. Avec Mathieu Pigné à la batterie, Matthieu Forest aux claviers, Fabien Senay à la guitare, David Fontaine aux claviers et moi-même au chant, nous formons la salle des machines. Autour de nous viennent se greffer des invités comme Pauline Denize aux violons et aux chants ou Louise D aux chœurs, qui viennent nous épauler de façon naturelle. Rien n’est vraiment programmé. Quand David Fontaine a pensé à de la steel guitar et de la slide pour Drive Stranger, il a naturellement contacté Sébastien Miel de La Maison Tellier qui venait juste de sortir de son studio. Sur le même titre, j’ai demandé à Moonya de poser sa belle voix grave dessus et on a tous trouvé ça super. Pendant une autre session, Darko est passé à l’improviste au studio. Pensant juste prendre une bière, il est venu les mains vides et s'est retrouvé - en plus de sa canette - avec une basse aux cordes rouillées dans les mains qu’il a utilisé pour tous les titres de l’album. Lors du dernier jour de studio, on avait invité Yannick Marais de La Maison Tellier pour qu’il nous donne son avis. Il s’est très vite retrouvé à faire des chœurs et à chanter le lead sur Frozen, notre reprise de Madonna. Quelques jours après cette session, Mathieu discutait avec Peter Hayes de BRMC et celui-ci lui a proposé de mixer Dead in Hollywood. Que pouvait-t-on répondre à part un "Alléluia " franc et massif ? Peter a fait écouter son mixe à son ami Michael Patterson (Kanye West, Beck, The Morlocks) qui a spontanément proposé de le masteriser. Lui-même en a parlé à son ami Paul Logus (Pantera, NIN) qui nous a proposé un mastering spécifique pour notre vinyle.
Bien sûr nous retrouvons dans le deuxième album l'univers et la musicalité de l'opus précédent mais avec une atmosphère plus sombre et une sonorité plus affirmée, plus précise, qui apporte une charge émotionnelle supplémentaire. Où réside ce point de bascule qui détermine l'esthétique de Dead in Hollywood pour toi ?
Sans doute que j’ai pris plus de plaisir à chanter sur ce disque que sur le premier. On a aussi tenté plus de choses. Mathieu Pigné qui est à l’origine de beaucoup de choses dans City of Exiles a énormément œuvré pour que ce disque ne ressemble à aucun autre. Mathieu déteste la routine et c’est toujours une immense force de proposition. Nul doute également que des morceaux comme Tumbleweed, Underneath the sun, Keep out (or be shot) ou Ghost Rider ont été transcendés par le mixe psychédélique et un peu fou de l’immense artiste qu’est Peter Hayes. On est parfaitement conscients qu’on a été mixé par un putain d’artiste doublé d’un immense musicien. Le mixe de Dead in Hollywood est puissant, original et même magique. Jamais nous n’aurions pu imaginer l’investissement total de Peter Hayes - que nous vénérons tous - vis à vis de notre musique. C’est un immense cadeau.
Au-delà de la musique, il y a aussi le thème de tes chansons, fait de doutes, d'angoisses et de vagues à l’âme dans une sorte de tristesse contemporaine. Peux-tu nous en dire un peu plus sur les thèmes de l’album et ta façon d’écrire ?
La pochette de Leonard Titus est une véritable photo prise à Hollywood. Nous avons finalisé la pochette avant même d’avoir composé la moindre mélodie. C’est cette pochette qui a donné les thèmes de Dead in Hollywood. J’ai écrit et composé Ghost Rider après voir vu le film allemand Phoenix. Le dernier Tarantino a fait ressurgir la figure de Charles Manson - Helter Skelter, ce qui a engendré Tumbleweed. Les tumbleweed sont les petits herbes volantes que l’on voit dans bon nombre de films. La figure d’Elvis qui est mort une première fois à Hollywood, m’a également toujours fasciné. D’ailleurs, concernant l’Elvisploitation, je recommande la lecture de l'excellents livre de Didier Balducci : Mondo Elvis et celui de Jan Jouvert Perfect American Male. Enfin, la lecture de Hollywood, ville mirage de Joseph Kessel m’a profondément marqué. C’est peut-être ce qui donne le côté intemporel de Dead in Hollywood.
Bien sûr à l'horizon il y a les concerts à venir, est ce que vous avez les uns et les autres réfléchi à la façon de plonger les ambiances des albums, en live ?
Nous réunir à neuf pour tourner est trop compliqué pour le moment, aussi nous avons opté pour une formule en duo avec Matthieu Forest afin de promouvoir Dead in Hollywood sur scène. Nous serons à l’os pour quelques dates. C’est à la fois risqué et euphorisant. Notre tournée débutera en mai.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Le vinyle de Dead in Hollywood sort en avril. Nous allons passer l’année 2023 à le promouvoir et à le défendre. Notre troisième album sortira en 2024. L’idéal serait de tourner en groupe dans la foulée.
Stephane Perraux
CITY OF EXILES Dead in Hollywood (Abattoir Blues / Nocturama, 2023)
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